« Alors que la Cour de cassation par trois arrêts du 6 avril 2011 a affirmé, sans ambages, que le refus de reconnaître l’effet en France de l’acte de naissance d’un enfant nés d’une mère porteuse ne portait jamais atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, le Conseil d’Etat confronté à la question de l’entrée sur le territoire français d’un enfant dans la même situation n’hésite pas, dans une ordonnance du 4 mai 2011, à se ranger résolument du côté des droits de l’enfant.
L’arrêt est relatif à des jumelles nées en Inde de mère indienne et de père français pour lesquelles le père avait sollicité, auprès du consulat général de France à Bombay, la transcription de leur acte de naissance sur les registres d’état civil français et la délivrance d’un passeport. Le consul général a saisi le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Nantes d’une suspicion de naissances obtenues au terme d’une procédure de gestation pour autrui et a refusé la délivrance des passeports.
La mise en œuvre du principe de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute décision le concernant, consacré par l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant dont l’applicabilité n’est plus sujette à discussion, n’est pas aussi simple qu’elle pourrait paraître en premier lieu. Il faut s’interroger sur la question des savoir quelle conception de l’intérêt supérieur de l’enfant il convient de faire prévaloir. Cette notion peut être entendue de manière abstraite, c'est-à-dire sous forme d’une règle générale, valable pour tout enfant, ou de manière concrète, c'est-à-dire sous forme de solution concrète et applicable à un enfant dans une situation donnée.
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En ce qui concerne les enfants nés dans le cadre de l’exécution d’une convention de gestation pour autrui, la conception abstraite de l’intérêt supérieur de l’enfant aboutit à considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas de naître d’une mère porteuse et conduit à rejeter tout effet de cette convention, pour éviter notamment qu’il soit l’objet d’un conflit de filiation…
Le conseil d’Etat adopte une conception concrète mais il insiste aussi sur la portée limitée de la mesure ; Cette mesure est provisoire. Elle n’empiète pas sur les compétences réservées par la loi à l’autorité judiciaire. Seule celle-ci est en effet compétente pour trancher les effets de l’acte de naissance étranger en France. … le juge se contente d’ordonner que soit délivré un document de voyage.
Le refus catégorique de la Cour de cassation de faire produire un quelconque effet aux actes de naissance étrangers des enfants issus d’une mère porteuse, aboutit à une impasse. Les enfants concernés sont certes autorisés à entrer en France avec celui qui est considéré en Inde comme leur père, mais pour être placés dans une situation juridique précaire. Leur père génétique, dont la paternité est reconnue en Inde ne sera pas reconnu comme tel en France. …
Une telle situation ne doit pas perdurer. Dès lors que les enfants ont été conçus, même si c’est dans des circonstances éminemment critiquables, par un Français, qui est prêt à assumer la charge , on ne peut admettre que l’intérêt des enfants est de vivre dans un orphelinat indien, au prétexte que le processus qui a abouti à leur naissance est contraire à l’ordre public français et qu’en théorie l’intérêt d’un enfant n’est pas de naître d’une mère porteuse ! Le problème doit être résolu par une coopération internationales renforcée en matière de droit des personnes et de la famille et non pas en sacrifiant les droits de l’enfant… »
(Extraits de « l’intérêt supérieur de l’enfant né d’une convention de mère porteuse : le pragmatisme du Conseil d’Etat : de Adeline Gouttenoire, Professeur à l’Université Montesquieu- Bordeaux IV , Directrice de l’institut des Mineurs de Bordeaux. » site LEXBASE HEBDO n° 444 du 16 juin 2011 . Edition privée réf N° Lexbase : A0989HQP)