Module M412-S1 - TD n°3 : la loi
Chapitre 1. L'élaboration des lois
Chapitre 2. L'application de la loi dans le temps
2.1. Les principes de bases
2.2. Exemple d'arrêt du Conseil d'Etat sur la non-rétroactivité d'une loi
2.3. La révision des lois : exemple de la bioéthique
2.4. Question de synthèse
Chapitre 3. L'application de la loi dans l'espace
Page d'accueil Table des matières Niveau supérieur Page précédente Bas de la page Page suivante

2.1. Les principes de bases

 

Lecture du vendredi 24 mars 2006 :

  • Entrée en vigueur (droit commun)

Les actes réglementaires et assimilés se distinguent des actes individuels, qui produisent leurs effets dès leur signature lorsqu'il s'agit d'actes favorables aux intéressés, tels que des actes conférant des droits (CE, Sect. 19 décembre 1952, Delle Mattéi). L'entrée en vigueur des actes réglementaires est, de façon générale, subordonnée aux mesures de publicité requises : publication au Journal officiel de la République française ou dans un bulletin ou recueil officiel. En vertu d'un principe général du droit (CE, 12 décembre 2003, Synd. des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale), l'autorité administrative a l'obligation  de publier dans un délai raisonnable les règlements qu'elle édicte. Les règles relatives à l'entrée en vigueur des lois et des règlements publiés au Journal officiel sont fixées par l'ordonnance n°2004-164 du 20 février 2004 dont les dispositions ont remplacé notamment celles du décret du 5 novembre 1870 et figurent désormais à l'article 1er du code civil.

La circonstance qu'une loi ou un règlement prévoient des dispositions d'application non encore publiées ne fait pas obstacle à l'entrée en vigueur de cette loi ou de ce règlement s'ils sont suffisamment précis pour être immédiatement applicables.

  • Entrée en vigueur différée

L'auteur d'une norme réglementaire comme le législateur sont, en principe, libres de décider explicitement, en fonction de considérations d'opportunité, que la date d'entrée en vigueur de la norme sera postérieure à la date qui résulterait des règles de droit commun. Toutefois, un texte législatif ou réglementaire atténuant une sanction ou la supprimant doit, en principe, être d'application immédiate. En outre un texte transposant un acte communautaire dont le délai de transposition n'est pas expiré ne peut prescrire une entrée en vigueur au delà de la date limite de transposition (CJCE 9 août 2004 Bund Natur Schutz in Bayern aff C.392/92).

Ce procédé présente, notamment, l'avantage de donner le temps aux destinataires des mesures de prendre leurs dispositions pour s'y adapter et s'y conformer ; il permet également à l'administration de mettre en place les dispositifs d'accompagnement.

Pour les actes réglementaires, la fixation de la date différée de prise d'effet d'une norme nouvelle est cependant soumise à un contrôle d'erreur manifeste d'appréciation par le juge administratif. En reportant en effet à une date trop lointaine l'entrée en vigueur d'une loi par le truchement d'une entrée en vigueur différée du règlement pris pour son application, l'autorité administrative méconnaît au moins implicitement la volonté du législateur (CE, 9 juillet 1993, Ass. « Collectif pour la défense du droit et des libertés »).

  • Dispositions transitoires

Le droit en vigueur avant la publication des nouvelles normes peut être maintenu pour certaines situations juridiques. Le nouveau texte peut également fixer des règles définissant un régime temporaire destiné à faciliter la transition.

En certaines hypothèses, la définition de mesures transitoires s'impose, pour des motifs de sécurité juridique et à défaut de dispositions législatives contraires, à l'autorité investie du pouvoir réglementaire dans l'élaboration d'une réglementation nouvelle. Il en va en particulier ainsi pour des règles nouvelles susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours : à défaut de prévoir des dispositions transitoires, l'acte emportant ces règles nouvelles encourt la censure pour méconnaissance du principe de sécurité juridique (CE Ass., 24 mars 2006, société KPMG et autres). Il peut également en aller ainsi lorsque l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation impose à des entreprises de s'adapter à des prescriptions nouvelles (CE Sect. 27 octobre 2006, Société TECHNA S .A. et autres) ou si son application immédiate entraînerait, au regard de l'objet et des effets des dispositions nouvelles, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause (CE Sect. 13 décembre 2006, Mme Lacroix).

  • Non rétroactivité

Le principe de non rétroactivité n'empêche pas qu'un texte réglementaire attache des effets futurs à une situation passée. L'exercice du pouvoir réglementaire implique en effet pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante.

Si les nouvelles normes édictées ont ainsi en principe vocation à s'appliquer immédiatement, le principe de non-rétroactivité des actes administratifs– fait obstacle à ce qu'une règle nouvelle s'applique, au sens où elle les remettrait en cause, à des situations déjà constituées sous l'empire des anciennes règles (CE Ass. 25 juin 1948, Société du journal l'Aurore).

Une situation est qualifiée comme constituée dans la mesure où elle est juridiquement parfaite, c'est-à-dire définitivement fixée avant l'intervention de la règle nouvelle. Tel est le cas lorsque sont intervenus avant cette date le ou les faits dont la réalisation conditionne l'application d'une règle de droit, qu'il est possible de qualifier de « faits générateurs ».

Des exemples de situations constituées peuvent  être trouvés au stade de la délivrance du permis de construire, ou en matière financière, et en particulier fiscale, à la date du fait générateur de la dépense, recette, dette ou créance, telle la date de l'ouverture du droit à pension. Ainsi, un décret ne peut en l'absence de dispositions législatives l'y autorisant expressément, rendre applicable à des bénéfices réalisés au cours d'exercices clos avant son entrée en vigueur le nouveau taux de l'impôt sur les sociétés qu'il détermine (CE, Ass., 16 mars 1956, Garrigou, p. 121).

Les situations contractuelles de droit privé restent, sauf disposition législative contraire, régies par le droit en vigueur à la date de conclusion des contrats.

En l'absence de situation constituée, il est jugé, en revanche, que les nouvelles règles de procédure s'appliquent à l'ensemble des procédures préparatoires à des actes qui n'ont pas été pris à la date à laquelle elles entrent en vigueur. De même, dans les régimes d'autorisation administrative, les conditions d'obtention des autorisations sont celles fixées par les règles en vigueur à la date à laquelle l'administration statue.

Dans plusieurs cas particuliers, la jurisprudence admet cependant que des mesures produisent des effets rétroactifs. Il en est ainsi:

- selon un principe général, pour les sanctions pénales plus douces, qui s'appliquent de façon rétroactive (CC. décision n°80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981) ;

- lorsque l'objet de la mesure est de combler un vide juridique, notamment en matière statutaire (CE 11 décembre 1998, Sect. Min. de la justice c/ Angeli) ou de tirer les conséquences d'une annulation contentieuse (CE, 26 décembre 1925, Rodière).

Le principe de non-rétroactivité n'est en règle générale pas opposable à la loi, qui peut autoriser l'application d'une réglementation nouvelle aux situations en cours, y compris aux situations contractuelles. L'article 2 du code civil, aux termes duquel « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif » peut être écarté par la loi. Encore cette faculté dont jouit le législateur n'est-elle pas sans limite :

- une mesure rétroactive doit ainsi être justifiée par un intérêt général suffisant, suivant la jurisprudence du Conseil constitutionnel (CC. décision n°98-404 DC du 18 décembre 1998 et décision n°-99-422 DC du 21 décembre 1999) ; le Conseil d'Etat juge en outre, au regard des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'intervention rétroactive du législateur au profit de l'Etat doit reposer sur d'impérieux motifs d'intérêt général et, au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, qu'un juste équilibre doit être ménagé entre l'atteinte aux droits découlant de lois en vigueur et les motifs d'intérêt général susceptible de la justifier (CE, Ass. 27 mai 2005, Provi) ;

- la non-rétroactivité de la loi a valeur constitutionnelle en matière de répression pénale, entendue au sens large, incluant les sanctions administratives (CC. décision n°82-155 DC du 30 décembre 1982).

En outre, les exigences découlant du principe de sécurité juridique pèsent sur l'autorité administrative dans la définition des mesures d'application de la loi (CE Ass., 24 mars 2006, société KPMG et autres).

Extrait du site Lexinter

Question n° 1 :

A quelle condition une norme (= loi ou règlement) peut-elle entrer en vigueur et à quel moment?

Question n°2 :

A partir de l’entrée en vigueur d’une norme, quelles sont les situations juridiques régies par la nouvelle norme ?

Question n°3  :

Est-il possible de retarder l’entrée en vigueur d’une loi et de quelle(s) façon(s) cette application différée est-elle possible ?

 
Page d'accueil Table des matières Niveau supérieur Page précédente Haut de la page Page suivante