Module M412-S1 - TD n°3 : la loi
Chapitre 1. L'élaboration des lois
Chapitre 2. L'application de la loi dans le temps
Chapitre 3. L'application de la loi dans l'espace
3.1. Exemples de conflits de lois dans l'espace
3.2. Lecture des dispositions du code civil
3.3. Question de synthèse
Page d'accueil Table des matières Niveau supérieur Page précédente Bas de la page Page suivante

3.2. Lecture des dispositions du code civil

 

Objectifs : apprendre à lire le texte juridique existant dans un code et à le comprendre  à l’aide d’un commentaire de doctrine

 

Code civil (extrait de legifrance.gouv.fr)

Titre préliminaire : De la publication, des effets et de l'application des lois en général

Article 1 : Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures.

En cas d'urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l'ordonne par une disposition spéciale.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels.

Article 2 : La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.

Article 3 : Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française. Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

Article 4 : Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Article 5 : Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

Article 6 : On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs.

Son commentaire par la doctrine (extrait du site http://www.institutfrancais.com)

« Le Code civil, la loi et le juge

Le titre préliminaire du Code civil intitulé « De la publication, des effets et de l’application des lois en général », dépassant de loin les bornes du seul droit civil, contribue à constituer la base de l’ordre juridique étatique, voire de l’État lui-même, à suivre l’assimilation, chère au célèbre juriste autrichien Hans Kelsen, du second au premier. Le Code civil remplit en cela la fonction juridique d’une Constitution de l’État, de sorte que les convergences de contenu entre ce titre préliminaire et la norme constitutionnelle n’ont rien de surprenant……

Quoi qu’il en soit, l’affirmation de l’article 1er du Code civil selon laquelle les lois promulguées « sont exécutoires dans tout le territoire français » mérite d’être fortement nuancée à plusieurs égards, notamment à la lumière de règles constitutionnelles souvent récentes. En premier lieu, si les lois françaises sont en principe applicables sur le territoire national, voire au-delà, puisque celles qui « concernent l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangers » [article 3, alinéa 3 du Code civil], elles y cèdent parfois le pas à la loi étrangère. Ce n’est certes pas le cas des « lois de police et de sûreté », en particulier, qui « obligent tous ceux qui habitent sur le territoire » [article 3, alinéa 1er], quelle que soit leur nationalité, ou de celles qui régissent les immeubles sis en France [article 3, alinéa 2]. Mais les étrangers résidant en France peuvent se voir appliquer leur propre loi nationale, surtout en ce qui concerne leur statut personnel, état civil, capacité, mariage, filiation… dans la mesure et sous les réserves définies par les règles complexes du droit international privé en matière de conflit de lois dans l’espace, dégagées essentiellement par la jurisprudence. En second lieu, l’application uniforme de la loi à l’ensemble du territoire national connaît de notables tempéraments, en nombre croissant, du fait de l’existence de législations spéciales en vigueur dans certaines parties du territoire national. C’est le cas, depuis longtemps, dans les départements alsaciens et mosellan où s’applique un droit local pour des raisons historiques liées à la perte de ces territoires par la France entre sa défaite face à la Prusse en 1870 et sa victoire sur l’Allemagne en 1918. C’est le cas aussi, plus récemment et dans une mesure différente, du fait de l’existence de « collectivités à statut particulier », même en métropole (la Corse), comme le reconnaît désormais la Constitution [article 72, alinéa 1er] depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Cette révision contribuera d’ailleurs puissamment à contrarier l’uniformité d’application de la loi sur tout le territoire national et à démentir ainsi un peu plus l’affirmation de l’article 1er du Code civil. Désormais, en effet, les collectivités territoriales de la République « peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences » [article 72, alinéa 4]. De même, si dans les départements et régions d’outre-mer, « les lois et règlements sont applicables de plein droit » [article 73, alinéa 1er de la Constitution], sous réserve cependant « d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités », celles-ci, sauf la Réunion, peuvent, par dérogation plus radicale au principe d’assimilation législative, « pour tenir compte de leurs spécificités, … être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi » [article 73, alinéa 3 de la Constitution]. Plus radicalement encore, les « collectivités d’outre-mer », anciennement territoires d’outre-mer, régies par un statut particulier tenant compte de leurs « intérêts propres… au sein de la République » [article 74, alinéa 1er de la Constitution] et dont certaines « sont dotées de l’autonomie » [article 74, alinéa 3], bénéficient du principe contraire de spécialité législative en vertu duquel les lois et règlements n’y sont applicables que s’ils l’ont expressément prévu. De surcroît, leurs assemblées délibérantes, dotées de compétences législatives en vertu d’une loi organique [article 74, alinéas 2 et 3], peuvent prendre en faveur de leur population « des mesures justifiées par les nécessités locales » [article 74, alinéa 3]. À ce tableau déjà passablement bigarré s’ajoute d’ailleurs le statut constitutionnel unique de la Nouvelle-Calédonie, qui, à elle seule, a les honneurs d’un titre entier de la Constitution. Ce titre XIII consacre, en particulier, le caractère définitif des transferts de compétences consentis par l’État à son profit, notamment en matière législative, et l’adoption corrélative de « lois du pays » par le congrès néo-calédonien, mais aussi l’existence d’une citoyenneté calédonienne, d’un régime électoral dérogatoire et d’un « statut civil coutumier » [article 77]. Pour compléter la présentation de ce patchwork singulier à quoi l’ordre juridique français finit par faire penser, il faut évoquer la reconnaissance constitutionnelle, au-delà même de la Nouvelle-Calédonie, du « statut personnel » de certains citoyens de la République qui, faute d’y avoir renoncé, demeurent soustraits au statut civil de droit commun [article 75]. C’est notamment le cas de certains Mahorais, même si, en vertu de son nouveau livre quatrième [articles 2 284 à 2 302] ouvert par une ordonnance du 19 décembre 2002 qui le défigure, le Code civil sera, dans l’ensemble mais sous quelques réserves, désormais applicable à Mayotte. Au bout du compte, se souvient-on encore que la loi « doit être la même pour tous » [article 6 de la Déclaration de 1789] et n’y a-t-il pas lieu, à juste titre, de redouter que la France soit sur le point de renouer avec le morcellement de son droit, dont le Code Napoléon avait fini par avoir raison ?

Page d'accueil Table des matières Niveau supérieur Page précédente Haut de la page Page suivante