Module M412-S1 - TD n°3 : la loi
Chapitre 1. L'élaboration des lois
Chapitre 2. L'application de la loi dans le temps
Chapitre 3. L'application de la loi dans l'espace
3.1. Exemples de conflits de lois dans l'espace
3.2. Lecture des dispositions du code civil
3.3. Question de synthèse
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3.1. Exemples de conflits de lois dans l'espace

Faits commis à l'étranger ou par un étranger

Chambre criminelle, 4 février 2004 (Bull. n° 32)

Dans le cas d’une infraction dont l’un des faits constitutifs a eu lieu en France, la chambre a jugé que selon l’article 113-2, alinéa 2, du Code pénal, il suffit, pour que l’infraction soit réputée commise sur le territoire de la République et soit punissable en vertu de la loi française, qu’un de ses faits constitutifs ait eu lieu sur ce territoire. Tel est le cas lorsqu’il est établi que des actes avaient été effectués en France en vue de la diffusion de vidéogrammes enregistrés en Thaïlande.

En application des articles 225-12-1 à 225-12-3 du Code pénal, issus de la loi du 4 mars 2002, dans le cas de faits commis à l’étranger, la loi française est applicable aux poursuites exercées du chef d’enregistrement d’images de mineurs à caractère pornographique en vue de leur diffusion, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 du même Code et sans que les poursuites doivent être précédées d’une plainte de la victime ou de ses ayants droit, ni d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où les faits ont été commis.

Chambre criminelle, 27 octobre 2004 (Bull. n° 263)
Chambre criminelle, 9 novembre 2004 (Bull. n° 274)

La compétence des juridictions françaises pour connaître d’un vol avec arme commis à l’étranger par un étranger est établie dès lors que ces faits apparaissent indivisiblement liés, pour en avoir été la résultante, à des faits d’association de malfaiteurs commis en France auxquels il est reproché à cet étranger d’avoir participé (1° arrêt).

En revanche, la connexité existant entre une extorsion de signature, commise en France, et le recel du produit de cette infraction, réalisé à l’étranger, ne peut proroger la compétence de la juridiction française dès lors que l’action publique du chef d’extorsion de signature s’est trouvée éteinte par la prescription avant le dépôt de la plainte pour recel (2° arrêt).

http://actu.dalloz-etudiant.fr/

Mariages bi-nationaux (droit international privé, 16 juin 2011)

Application d’office par le juge de la règle de conflit en présence de droits indisponibles :

La première chambre civile a rendu trois arrêts en matière de nullité du mariage offrant l’occasion de revenir sur le régime procédural de la règle de conflit en la matière.

Dans les deux premières affaires, il était demandé l’annulation de mariages célébrés en France pour défaut de volonté matrimoniale. Le premier unissait un Français à une Algérienne (n°09-71.992) ; le second, un Français et une Togolaise (n°10-16.482). Dans les deux espèces, les juges du fond avaient été saisis sur le fondement de la loi française.

La validité d’un mariage entre deux personnes de différente nationalité repose sur des conditions de fond et de forme. La sanction alors édictée en cas de violation de l’une d’elles dépend de la loi qui régit la condition violée. Dès lors, si les conditions de forme relèvent de la loi du lieu de célébration du mariage, celles de fond sont définies par la loi nationale des époux.

La Haute cour casse les deux arrêts d’appel au visa de l’article 3 du Code civil. En effet, « il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en œuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ». Ainsi, pour apprécier le consentement des épouses — condition de fond du mariage —, les juges auraient dû se référer à la loi nationale de chacune d’elles, à savoir la loi algérienne pour la première affaire et la loi togolaise pour la seconde.

Ces arrêts viennent confirmer une solution de principe établie depuis 1999 avec l’arrêt M. Belaid (Civ. 1re, 26 mai 1999) ; v. déjà l’arrêt Rebouh : Civ. 1re, 11 oct. 1988) : en matière de droits indisponibles (en l’espèce, le mariage), l’obligation est faite au juge de relever d’office la règle de conflit. Rappelons que du point de vue de l’office du juge, la difficulté se déplace pour porter sur la frontière séparant les notions de droits indisponibles (règle de conflit de lois impérative) et de droits disponibles (règle de conflit de lois facultative) délicate à tracer, puisqu’il n’est plus possible de raisonner aujourd’hui par blocs de matières mais « droit par droit » (v. sur ce point : S. Clavel, Droit international privé ; P. Murat (dir.), Droit de la famille 2010-2011).

Une fois la règle de droit désignée par le juge, ce dernier est parfois amené à l’interpréter comme l’illustre la troisième affaire portée devant la Cour (n° 09-67.805). L’arrêt attaqué après cassation (v. Civ. 1re, 19 sept. 2007 cassant au visa de l’art. 3 C. civ. la nullité du mariage prononcée sur le fondement de la loi française) prononçait l’annulation d’un mariage célébré en Tunisie entre un Tunisien et une Française. Retenant une application distributive des lois personnelles des époux, les juges reprochaient à l’époux d’avoir poursuivi un but contraire à l’essence même du mariage, à savoir obtenir un titre de séjour sur le territoire français sans aucune intention de créer une famille et d’en assumer les charges. Cette clause tacite avait alors vicié le consentement au mariage de l’épouse qui, elle, poursuivait une véritable intention matrimoniale. Selon l’époux, en statuant ainsi, les juges avaient dénaturé les dispositions énoncées dans le Code du statut personnel tunisien relatives aux obligations issues du mariage. La Haute cour rejette le pourvoi en se retranchant derrière le pouvoir souverain des juges du fond : « c’est par une interprétation que rendait nécessaire l’ambiguïté née du rapprochement des dispositions (…) [du Code du statut personnel tunisien] que la cour d’appel a souverainement estimé que la démarche suivie s’analysait en une absence de consentement au mariage au sens premier d[es] textes ».

Civ. 1re, 1er juin 2011, n°09-71.992.

Civ. 1re, 1er juin 2011, n°10-16.482.

Civ. 1re, 1er juin 2011, n°09-67.805.

Références

Conflit de lois dans l’espace :
« Concours de deux ou plusieurs ordres juridiques émanant d’États différents et susceptibles d’être appliqués à un même fait juridique. On parle aussi de conflit de lois dans l’espace.
C’est un conflit de compétences législatives (ex. : accident de la circulation survenu à deux Français en territoire étranger : la responsabilité civile doit-elle être appréciée selon la loi de l’État où a eu lieu l’accident, ou selon la loi nationale des intéressés ?). La solution du conflit s’opère traditionnellement grâce à une règle dite de conflit de lois.
Cette dernière peut être unilatérale, c’est-à-dire ne délimiter le champ d’application que de la seule loi du for, ou bilatérale, c’est-à-dire désigner la loi applicable en mettant sur un pied d’égalité loi du for et loi étrangère.
La méthode des règles de conflit de lois subit aujourd’hui la concurrence des lois “ d’application immédiate”. »

Office du juge :
« L’office du juge définit quel est son rôle dans la direction du procès civil, quels sont ses pouvoirs et leurs limites.
(…)
En droit international privé, il entre dans la mission du juge français, s’agissant des droits dont les parties n’ont pas la libre disposition, de mettre en œuvre, même d’office, la règle de conflit de lois et de rechercher, au besoin avec le concours des parties, la teneur du droit étranger applicable. S’agissant des droits disponibles, cette obligation est subordonnée à l’invocation par une partie de l’application d’une loi étrangère. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article 3 du Code civil :
« Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.
Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »

Mariage entre français

Les conditions de fond du mariage (capacité, consentement...) relèvent de la loi personnelle des époux (article 3 du Code civil). Par ailleurs, les Français qui se marient à l'étranger sont tenus de respecter les conditions de fond de la loi française (article 170 Code civil). Lorsque les deux futurs époux sont de nationalités différentes, il est fait application distributive des deux lois personnelles en présence, avec application de la loi la plus sévère en matière d'empêchements à mariage.

Les conditions de forme (formalités à accomplir, mariage laïc ou religieux...), sont soumises en principe à la loi du lieu de célébration.

C'est encore la loi personnelle des époux qui s'applique aux effets du mariage. En cas de nationalités différentes, la loi applicable est la loi du domicile commun. A défaut de domicile commun, le juge français appliquera la loi française, en tant que loi du juge saisi.

Cette loi couvre notamment les obligations personnelles découlant du mariage (obligation de fidélité, assistance, communauté de vie), et les contrats entre époux, à l'exception des donations entre époux de biens à venir, qui relèvent de la loi successorale.

Source : http://ec.europa.eu/civiljustice/applicable_law/applicable_law_fra_fr.htm

 

 

 

CAS PRATIQUE N°1 :

Monsieur Vincent Bertrand  profite du mauvais temps de l’été 2011 pour se rendre le long d’un embarcadère de bateaux luxueux à quai dans le midi et un jour, il décide de voler un des bateaux pour aller en Espagne. Il arrive dans un port en Espagne et décide de profiter de son escale pour aller visiter la ville. Des policiers espagnols remarquent le bateau recherché par son propriétaire réel et attendent Monsieur Vincent Bertrand pour  l’arrêter pour vol.

Monsieur Vincent Bertrand ne nie pas le vol mais voudrait être jugé en France avec la loi française.

 

Question n° 1 :

Qualifier les faits commis par monsieur Vincent Bertrand.

 

 

Question n°2 :

Chercher la règle juridique qui pourrait le faire juger en France avec la loi française.

 

Question n°3  :

D’après la qualification des faits et les lieux des faits, et les règles de conflit de lois dans l’espace, pensez–vous que monsieur Vincent Bertrand va être jugé selon la loi française ?

 

 

CAS PRATIQUE N°2 :

Monsieur Chariou est sénégalais en situation irrégulière depuis 10 ans sur le sol français. Il rencontre en mars 2010 madame Claude Marin. Il l’épouse en juillet 2010, en précisant qu’il est déjà marié au Sénégal mais en affirmant aussi  qu’un second mariage est possible selon la loi du Sénégal.

Madame Claude Marin voudrait faire annuler le mariage car elle a l’impression que ce mariage n’a que pour but d’obtenir la nationalité française et donc des papiers pour rester régulièrement en France. Son mari lui affirme en effet qu’il est hors de question pour lui de fonder une nouvelle famille car il a déjà assez d’enfants à nourrir.

 

Question n° 1 :

Classez cette situation dans un type de droit  (par exemple droit des biens, droit des personnes ...).

 

Question n°2 :

Recherchez la règle de droit applicable ou les règles de droit pour cette situation.

 

Question n°3  :

Pensez-vous que Claude Marin pourra faire annuler son mariage, expliquez lui votre solution en lui présentant les arguments favorables pour l’issue du litige.

 

 

 

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