Persuader
Chapitre 1. Nous définissons
Chapitre 2. Testez-vous
Chapitre 3. La méthode
Chapitre 4. Exercez-vous
4.1. Exercice de niveau 1
4.2. Exercice de niveau 2
4.3. Exercice de niveau 3
4.3.1. Analyse d'un article
4.3.2. Analyse d'un article : Corrigé
Chapitre 5. Vous retenez
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4.3.2. Analyse d'un article : Corrigé

 

Le hussard sur le toit, poutres apparentes

Le film de Rappeneau est un nouvel avatar du cinéma « qualité française ».

Le hussard sur le toit est un film bien intéressant ; c’est objectivement une très grosse affaire de production et de promotion (à part la présentation de la météo, on ne voit pas ce que Juliette Binoche a évité). C’est également un de ces fleurons ouvragés comme le cinéma français se plait à en démouler chaque année, entre plue-value culturelle et patrimoine national : après l’année Germinal, l’année Hussard. C’est aussi en ces temps de rentrée des classes, un film qui a raison de compter sur les scolaires, puisqu’il n’oublie jamais de l’être, scolaire. C’est enfin un film qui, à l’arrivée, ressemble tellement à ce qu’on savait au départ que sa critique n’a pas d’objet. [ …]

Acteurs studieux
Le saviez-vous ? C’est Juliette Binoche qui fait Pauline. Pour juger de son jeu, réduit ici à l’unique expression d’un sourire plein de mystérieuses énigmes secrètes, nous attendrons de la voir prochainement dans Un divan à new-York de Chantal Ackerman […]

L’adaptation littéraire
Le film a au moins un premier mérite : celui d’éluder le débat sur l’adaptation-trahison. Il ne reste tellement rien de ce qui fait le cœur battant du roman original, qu’il aurait été au plus juste de préciser que le travail de Jean-Paul Rappeneau et de ses deux coscénaristes (Nina Companeez et Jean-Claude Carrière) est tellement « d’après », que d’après en après, il est plutôt tout proche du brouillon filmé d’une parodie littéraire qui reste à écrire : Zorro contre le Choléra, hardi hussard ! ou Angelo, marquis aux anges.

Le film a au moins un deuxième mérite : celui de susciter l’envie de lire ou de relire le livre. Histoire d’oublier.

 

Procédé récurrent de persuasion sur « la qualité » du film

Le procédé de l’ironie (en jaune) permet de tourner en dérision l’adaptation filmique du roman de Giono. En effet les journalistes s’appuient sur des termes considérés habituellement comme des références valorisantes pour en proposer une approche qui les prive de toute valeur.

  • « un film bien intéressant » ; « un de ces fleurons ouvragés » ; « plus-value culturelle » ; « patrimoine national » ; « premier mérite »
     ; « deuxième mérite »
    Or, c’est le développement accordé à chaque terme ou expression qui fait basculer dans la critique polémique
  • « Le hussard sur le toit est un film bien intéressant. C’est objectivement une très grosse affaire de production et de promotion (à part la météo, on ne voit pas ce que Juliette Binoche a évité) »
    Vous constatez que le terme « intéressant » est en réalité pris dans son sens économique ; ce film va rapporter de l’argent, et non solliciter notre intelligence… On joue sur la polysémie du mot « intéressant »
  • « Le film a au moins un premier mérite : celui d’éluder le débat sur l’adaptation-trahison »
    Vous constatez pour le terme « mérite » le basculement opéré du valorisant au dévalorisant ; en effet éluder une question, c’est refuser d’aborder une question ;  le mérite de ce film, sa valeur, serait donc, ici, de refuser le débat concernant les risques de l’adaptation filmée d’une œuvre romanesque !
  • Le dernier exemple que nous choisissons pour le procédé ironique permet d’observer une variation intéressante du procédé :
    « C’est également un de ces fleurons ouvragés comme le cinéma français se plait à en démouler chaque année, entre plue-value culturelle et patrimoine national »
    Vous  observez trois expressions (couleur jaune) qui peuvent constituer des qualités certaines du film de Rappeneau, en particulier « fleurons ouvragés ». Or, le choix du verbe « démouler » (caractère gras) apporte d’emblée une dévalorisation à l’ensemble des termes qui l’entourent. Ce terme appartient en effet au domaine culinaire et il fait du film Le hussard sur le toit, non un acte de création, mais plutôt une marchandise, un produit culturel…

La complicité journalistes-lecteurs

La complicité journalistes-lecteurs, si importante dans la démarche de persuasion, repose sur plusieurs procédés (en bleu)  :

  • Le titre de l’article : « Le hussard sur le toit, poutres apparentes ».
    Ce titre interpelle le lecteur ; ce titre aiguise la curiosité : il demande à être « traduit » ; voila le lecteur entraîné dans une petite énigme; ainsi la critique du film prouve que la solidité de ce film (ses poutres) n’est qu’apparente …(le journaliste remotive l’ expression « poutres apparentes »)
    .
  • La complicité par le rire, voire la dérision : « Zorro contre le choléra ; Angelo, marquis aux anges ».
    Ces titres proposés par les journalistes font perdre toute crédibilité au film en insérant les termes-phare du film : le choléra (le thème) et  Angelo (le héros) dans des références purement distrayantes
    .
  • La polysémie « scolaires » et « scolaire » : « un film qui a raison de compter sur « les scolaires », puisqu’il n’oublie jamais de l’être, scolaire ».
    Un film scolaire est un film qui manque d’inventivité, qui relève de l’appris, du livresque.
  • Le recours à l’oralité : « Histoire d’oublier »
    L'oralité entretient le lien avec les lecteurs et les intègre dans le discours.
  • L’interrogation oratoire aux lecteurs : « Le saviez-vous ? »    

Les valeurs argumentatives

Enfin les journalistes font appel à des valeurs pour entrainer l’adhésion des lecteurs :

  • ici ce sont les valeurs esthétiques : le beau  (le film de Rappeneau ne relève pas de l’art !)
  • et les valeurs que l’on peut appeler « morales », à savoir : le film a trahi l’esprit du roman.

LES RISQUES ENCOURUS :

Pour ce type d’exercice et pour toute démarche de persuasion que vous souhaitez mettre en œuvre, le risque, c’est de ne pas suffisamment repérer ou utiliser différents « modes opératoires », procédés propres à l’argumentation persuasive (procédés argumentatifs, rhétoriques) !

Et donc de perdre en efficacité quant au contenu du discours

 

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