La reprise économique augmente les rejets de gaz à effets de serre alors que les négociations internationales piétinent. Si la crise financière mondiale avait pu laisser croire à un progrès sur le front du climat, la reprise des affaires s’est chargée de dissiper cette illusion. Les émissions de CO2, liées à la combustion d’énergies fossiles ont atteint un niveau record en 2010, d’après des estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publiées lundi 30 mai.
Les rejets de gaz carbonique ont culminé à 30,6 gigatonnes (GT) en 2010, une hausse de 5% par rapport à 2008, année du précédent record qui totalisait 29,3 Gt. « On s’attendait à un rebond, mais pas aussi fort » commente le chef économique de L’AIE, Fathil Birol.
« Ces informations constituent un revers sérieux pour nos espoirs de limiter la hausse de la température dans le monde à 2°C » estime M. Birol. Selon l’Agence, les émissions de CO2 du secteur de l’énergie ne doivent pas dépasser 32Gt en 2020 pour respecter la limite des 2°C adoptée par la communauté internationale […] ».
« Les émissions de CO2 n’ont jamais augmenté si vite : 3% par an en moyenne depuis 10 ans, trois fois plus que lors de la décennie précédente » observe le glaciologue et climatologue Jean Jouzl, membre du bureau du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « On est sur la trajectoire des pires scénarios du GIEC » souligne le scientifique.
Les pays émergents exigent
des pays du Nord
qu’ils fassent le premier pas…
En clair : sans inversion de la tendance, la planète subira un réchauffement moyen de 4°C, et bien davantage par endroits. « Pour éviter cela, il faudrait que le niveau des émissions commence à baisser en 2015, puis chute très rapidement à partir de 2020 » rappelle M. Jouzel. « On est loin du compte : il n’y a même pas de stabilisation.»[…] Ces chiffres sonneront-ils comme un appel au réveil, comme le souhaite l’économiste de l’AIE, mais aussi le responsable de l’ONU pour le climat, Christian Figueres ?
Rien n’est moins sûr. Plus personne n’espère voir un accord international se conclure à Durban.[…]
Même si leurs rejets de CO2 par habitant restent modestes, les pays en développement, Chine et Inde, sont à l’origine de 75% de la hausse des émissions en 2010, selon l’AIE. « Les pays riches délocalisent leurs émissions au Sud alors même que leur propres émissions n’ont quasiment pas baissé depuis les années 1990 » réplique Sébastien Blavier, de la fédération d’ONG écologistes Réseau Action Climat (RAC).
Les chiffrent pourraient toutefois donner du grain à moudre à ceux qui estiment, dont les Etats Unis et le Japon, qu’un accord juridiquement contraignant n’a de sens que s’il inclut les grands émergents, quand ceux-ci exigent des pays du Nord qu’ils fassent le premier pas, au nom de leur « responsabilité historique ».
Reste une certitude partagée par tous : la somme des engagements pris n’équivaut qu’à 60% des efforts que la science estime nécessaire pour maintenir le réchauffement sous la limite des 2°C ; le RAC appelle donc l’Europe à montrer la voie en réhaussant son engagement de réduction des émissions d’ici à 2020 de 20% à 30%. La question doit être abordée lors d’un conseil des ministres de l’environnement, le 21 juin.