ANALYSER POUR COMMUNIQUER : TD N°5
Chapitre 1. T.P. N°1
1.1. Document
1.2. Tableau de synthèse
1.3. Plan détaillé
Chapitre 2. T.P. N°2
Chapitre 3. T.P. N°3
Chapitre 4. T.P. N°4
Page d'accueilTable des matièresNiveau supérieurPage précédenteBas de la pagePage suivante

1.1. Document

Pour obtenir les documents au format (.pdf) : cliquer ici

Document 1.

,,,,,,

.........André MALRAUX, à la tête du premier ministère des Affaires culturelles (1959-1969), tint à rédiger lui-même l'article premier du décret « portant organisation du ministère » : « Le ministère chargé des Affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français; d'assurer la plus vaste audience à son patrimoine culturel ; de favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ».

 

,,,,,,,,,À l'occasion de l'inauguration de la Maison de la Culture d'Amiens, il prononça un discours resté fameux.

Excellence,
Messieurs les Maires,
Mesdames,
Messieurs,

.........Voici dix ans que l'Amérique, l'Union Soviétique, la Chine et nous-mêmes essayons de savoir ce qui pourra être autre chose que la politique dans l'ordre de l'esprit.

 

.........Ici, pour la première fois, ce que nous avions tenté ensemble est exécuté et nous pouvons dire que ce qui se passera ce soir se passe dans le domaine de l'Histoire.

 

.........Il était entendu, il y a cent trente ans, que la plus grande actrice française ne pouvait pas jouer dans cette ville parce qu'il n'y avait personne pour l'écouter. Vous êtes tous ici, et combien d'Amiénois seront là après vous. Vous êtes plus nombreux comme abonnés de cette Maison qu'il n'y a d'abonnés à la Comédie Française. À Bourges, qui a deux ans d'existence réelle, il y a 7 000 abonnés et Bourges a 60 000 habitants, rien de semblable n'a jamais existé au monde, sous aucun régime, jamais 10 % d'une nation ne s'est trouvé rassemblé dans l'ordre de l'esprit.

 

.........De quoi s'agit-il essentiellement ? D'abord d'un changement absolument total de civilisation. Nous savons tous que nous sommes en face d'une civilisation nouvelle. [...]

 

.........Ne nous y trompons pas, la nouvelle civilisation, c'est bien entendu la machineet ce n'est pas, comme on nous le dit en permanence, le matérialisme. L'Amériquene se croit pas du tout matérialiste, la Russie ne se croit pas matérialiste et elle araison. La Chine ne se croit pas matérialiste et elle est prête à mourir pour lesvaleurs qui sont les siennes. Le problème matérialiste est absolument subordonné.

 

.........L'essentiel est ailleurs, il est dans la présence de la machine qui a changé le rapport de l'homme et du monde.

 

.........D'une part, la machine a créé le temps vide qui n'existait pas et que nouscommençons à appeler le loisir. Ici, Mesdames et Messieurs, je voudrais vous diretout de suite : « Ne nous laissons pas égarer à l'infini par ce terme absurde ». On a commencé par faire un Ministère des Sports et Loisirs, et les loisirs peuvent être eneffet semblables aux sports. Le problème qui se pose n'est en rien l'utilisation d'untemps vide - j'y reviens parce qu'il n'existait pas autrefois - les grandes civilisationsagraires et plus ou moins religieuses n'avaient pas de temps vide, elles avaient desfêtes religieuses.

 

.........Le temps vide, c'est le monde moderne. Mais ce qu'on a appelé le loisir, c'est-à-dire un temps qui doit être rempli par ce qui amuse, est exactement ce qu'il faut pour ne rien comprendre aux problèmes qui se posent à nous. Bien entendu, il convient que les gens s'amusent, et bien entendu que l'on joue ici même ce qui peut amuser tout le monde, nous en serons tous ravis.

 

.........Mais le problème que notre civilisation nous pose n'est pas du tout celui de l'amusement, c'est que jusqu'alors, la signification de la vie était donnée par les grandes religions, et plus tard, par l'espoir que la science remplacerait les grandesreligions, alors qu'aujourd'hui il n'y a plus de signification de l'homme et il n'y a plus de signification du monde, et si le mot Culture a un sens, il est ce qui répond au visage qu'a dans la glace un être humain quand il y regarde ce que sera son visage de mort. La Culture, c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur la terre. Et pour le reste, mieux vaut n'en parler qu'à d'autres moments, il y a aussi les entractes.

André MALRAUX,........,

discours d'Amiens,........,

19 mars 1966 (copyright Gallimard).

 

 

Document 2.

 

.........Nous sommes quelques-uns qui devons à la chance et à l'éducation de connaître ce que, dans les jours de détresse, de solitude ou de joie, peut apporter un sonnet de Shakespeare ou un quatuor de Beethoven. Ce sentiment d'être porté au-dessus de soi-même, d'accéder à des trésors et de les incorporer, par une alchimie personnelle, à notre mémoire vivante, fait notre bonheur, même au plus dur des épreuves de la vie. Pouvons-nous espérer jouir longtemps de cette grâce sans la partager avec tous ceux qui en sont, à leur insu, frustrés et que nous osons appeler nos frères ?

 

.........La question culturelle, c'est celle-là, et aucune autre. Sans négliger ce que la culture peut apporter de connaissances, de divertissements, mais aussi de prise de conscience morale et politique, elle est d'abord cette tension de l'être, cette humanisation par la ferveur qu'il s'agit de mettre à la portée de tous. Aucun des problèmes d'organisation, de diffusion que pose la culture ne doit faire oublier cette certitude que l'enjeu, c'est la dignité de la vie.

 

.........Mais nous n'en savons pas plus. Aujourd'hui moins que jamais, nous nepouvons définir les formes que prendra à l'avenir le besoin de culture, si nous avons agi suffisamment pour qu'il subsiste après nous. Le sonnet de Shakespeare, le quatuor de Beethoven, nous n'avons pas le droit de les imposer. L'inégalité régnante conduit les privilégiés de la culture, soit à vouloir, mêmeinconsciemment, répandre leurs propres références, soit à définir et imposer de nouvelles formes, de nouveaux comportements. Toutes les recherches sont légitimes, notamment chez les créateurs. Mais rien n'est sûr, pas même la remise en cause systématique de toutes les valeurs et de toutes les formes d'expression à laquelle nous assistons. Recrus de doutes et de contestation, peut-être leshommes abandonneront-ils toute pratique culturelle, et la culture ne sera-t-elle plus, dans dix ou vingt ans, que l'apanage de quelques communautés closes, au milieu d'un océan de barbarie, comme dans le Haut Moyen Âge. Peut-être se crisperont-ils sur ce qui restera de l'héritage que nous nous acharnons à dilapider. Peut-être inventeront-ils une culture entièrement neuve, plus éloignée de noscomportements actuels que ceux-ci ne le sont de la culture antique ou baroque. Nous ne savons pas. Mais c'est sans importance. Ce qui compte, ce n'est pas le contenu, la forme de la culture, même si nous avons le devoir, pour préserver la liberté de ceux qui nous suivront, de maintenir contre vents et marées l'intégralité de l'héritage qui nous a été légué. Ce qui importe, c'est l'élan vital que représentela culture, cette tension de dignité qui maintient debout l'esclave enchaîné de Michel-Ange ; c'est ce mouvement mystérieux qui nous pousse à nous dépasser et à nous retrouver au fond de nous-mêmes, à vivre la condition humaine dans la solitude et la solidarité emmêlées.

Jacques RIGAUD,

La culture pour vivre,

Éditions Gallimard, 1975.

 

 

Document 3.

 

.........La participation à la culture - aux livres, aux oeuvres de l'imagination et de la pensée - est demeurée longtemps et presque exclusivement l'apanage d'un petit nombre. En ce sens être cultivé est un privilège : puisque c'est l'accès à un bien injustement refusé au plus grand nombre.

 

.........L'erreur fatale, le piège où sont tombés bon nombre d'intellectuels a été de croire que la suppression de ce privilège passait par la dénégation de l'idée même de culture et non par la suppression des obstacles qui en tiennent écartés la grande masse des dépossédés. C'est ainsi qu'un mouvement de pensée, issu de la recherche sociologique, s'est employé depuis quelques décennies à mettre en œuvre ce qu'il faudrait appeler une entreprise générale de délégitimation de la culture, et qui se résume ainsi : les jugements de valeur, en matière de culture, ne sont que les reflets de la position sociale de celui qui les profère ; la « culture » et « les livres » n'ont d'autre légitimité que celle que leur confère la « violence symbolique » de l'École.

 

.........Les conséquences en sont désastreuses. La douleur de « la vie sans les livres », la douleur de savoir d'innombrables vies laissées sans le secours des mots, sans le recours des livres, de la « culture » et « des œuvres » devient alors sans objet. Ce n'est donc plus une « injustice » (même si l'emploi de ce mot peut susciter des réserves) que d'être privé de livres et de culture ; ni même un privilège. Livres et culture ne sont que de fausses valeurs qu'il convient de démythifier : la culture n'est plus que le rempart ultime dont la destruction contribuera à effacer une classe condamnée par l'histoire.

 

.........Prenons-y bien garde : ou bien la culture, les livres sont un privilège, et il faut l'abattre comme tous les autres ; ou c'est un bien, et il faut alors qu'il soit accessible au plus grand nombre. On ne peut concilier les deux points de vue. Si la culture est un privilège, et rien de plus, si la culture n'est qu'un apanage des élites, ou l'autre nom du loisir distingué, et non pas le lieu de l'arrachement à soi et de l'ouverture au monde, de quoi souffrent-ils, ceux qui en sont privés ? De rien d'autre qu'une illusion, une chimère, dont il convient de les débarrasser.

     

.........Cette dangereuse théorie n'a pas toujours trouvé jusqu'ici la réfutation qu'elle appelait ; au contraire, l'École et les médias se sont vus gagnés par ses sophismes pernicieux. De nombreuses études sociologiques ont repris et amplifié ce thème, lui donnant la caution scientifique qui lui manquait, effaçant, du moins en apparence, les fondements politiques qui le sous-tendaient, brodant au fond toujours sur le même motif : la culture est une imposture ; le goût et la fréquentation des œuvres n'est pas le moment de l'émancipation, mais le pur reflet du niveau scolaire et de la place qu'on occupe dans l'appareil de production. [...]

 

.........La conséquence en est claire : non seulement rien ne sera plus tenté pour ouvrir au plus grand nombre le règne émancipateur de la culture et des livres, mais le triomphe de ces thèses ne pourra que renforcer la séparation qui existe déjà entre ceux qui lisent et ceux qui ne lisent pas.

            

Danièle SALLENAVE,

Le Don des morts : sur la littérature,

Éditions Gallimard, 1991

 

 

Document 4.

 

 

 

 
Page d'accueilTable des matièresNiveau supérieurPage précédenteHaut de la pagePage suivante