ANALYSER POUR COMMUNIQUER : TD N°4
Chapitre 1. T.P. N°1
Chapitre 2. T.P. N°2
2.1. Document
2.2. Tableau de synthèse
2.3. Plan
2.4. Synthèse rédigée
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2.1. Document

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DOCUMENT 1

 

Équipage d'Apollo 11 en Juillet 1969,
Neil ARMSTRONG - Michael COLLINS - Edwin « Buzz » ALDRIN
Photo de la NASA.

DOCUMENT 2

 

 

Vémars. Lundi 21 juillet

 

Premiers pas de l'homme sur la Lune et moi, dans ce jardin, je fais mes premiers pas de convalescent, bien faible encore, respirant, comme je boirais, une brise qui sent le foin et l'œillet. Les autos grondent encore au loin, mais je ne les sens plus. Mes premiers pas... mes derniers pas ? Je le sais et je me le répète sans y croire. Tel est même dans le grand âge notre pouvoir de renouvellement sans fin : l'insecte humain ne se décourage jamais et recommence de grimper.

Tous les miens ont passé la nuit devant l'écran de la télévision. Je me contente ce matin de la radio, admirant certes ce pouvoir illimité qui a été donné aux hommes, mais songeant qu'il ne sert de rien à l'homme de gagner la Lune s'il vient à perdre la Terre. Or, il la perd. Comme le Rhin empoisonné, ses milliers de poissons le ventre en l'air n'ont-ils guère ému que les peuples riverains ? Quel rapport avec la conquête de la Lune ? C'est la même exigence aveugle que rien n'arrête dans aucun ordre et quoi qu'il en doive coûter... [...]

 

Mercredi 23 juillet

 

Personne, à ma connaissance, n'ose le dire. S'il avait existé un drapeau européen, il aurait dû flotter à côté de celui des États-Unis sur la Lune où il y a maintenant les traces d'un pied d'homme. Cela n'enlève rien à la gloire des États-Unis, seuls capables par leur supériorité dans tous les ordres de la connaissance et de la technique et par leurs ressources illimitées de réaliser le rêve de Wernher von Braun.

Parmi les millions d'Anglais qui virent sur leur petit écran les premiers hommes occuper la Lune, y en eut-il beaucoup pour se souvenir qu'avant d'être le père des fusées Apollo, von Braun avait été celui des V2 en lesquels Hitler espéra jusqu'à la fin pour mettre les Anglais à genoux et qui accumulèrent à Londres les destructions et qui y firent tant de victimes ? Le prisonnier de guerre Wernher von Braun et son équipe devenus citoyens Américains, exorcisés de leur démon, se vouèrent désormais à la conquête pacifique des planètes.

 

François MAURIAC.

Le dernier Bloc-notes, Juillet 1963,

Éditions Flammarion, 1971.

 

DOCUMENT 3

 

Un certain nombre d'explications à l'aventure spatiale des hommes peuvent être avancées. Elles se situent sur différents plans.

Au niveau le plus profond, se tiendrait une sorte de rêve collectif enfoui au creux des soutes de la « nature humaine » et qui conduirait l'espèce à tenter d'échapper à sa condition, à toujours vouloir prendre son envol, à transgresser les frontières de sa demeure terrestre. Icare, Cyrano de Bergerac et quelques autres sont appelés à la barre pour témoigner de cette pulsion profonde. Un tel désir venu des profondeurs alimenterait les mythologies les plus anciennes. Il rejoindrait aujourd'hui la question de la technique dans la mesure où, en la confiant à l'homme (sous la forme du feu... celui des fusées?), Prométhée aurait conféré à ce dernier un destin diabolique, le portant à la démesure. Hypothèses par définition invérifiables, indiscutables et donc non scientifiques. Prenons comme telle l'idée d'un éventuel désir collectif d'évasion, d'une possible tension vers Tailleurs, d'un irrationnel « en manque » d'infini, d'une aspiration à sortir, à échapper à la finitude.

Deuxième galerie située à proximité de la veine précédente : celle du besoin qu'éprouverait l'homme contemporain à retrouver, dans un ciel qu'il sait désormais vide d'une présence divine, dans un cosmos où les grands mythes ont perdu de leur force explicative devant les avancées du savoir scientifique, une forme renouvelée d'élévation, de transcendance dont il serait lui-même le créateur. L'aventure spatiale constituerait alors, aux yeux des hommes, l'amorce et la promesse d'un nouveau grand récit. Ce serait une deuxième source qui alimenterait non plus tellement une conquête de l'espace, mais une quête vieille comme l'humanité, celle de sa propre origine, de son identité, de sa spiritualité.  L'aspect scientifique de l'aventure spatiale trouverait ici sa légitimité. Elle pourrait constituer un des éléments d'une tentative nouvelle d'explication globale, de fiction renouvelée pour retrouver le Sens. La science n'est-elle pas déjà créatrice de simulations, de modélisations et donc de représentations sur la grande scène de l'imaginaire où elle-même en retour s'abreuve ! Sans doute tenons-nous ici une des explications du fait que le développement des sciences et techniques spatiales échappe à ces nouvelles angoisses engendrées par d'autres technosciences, en particulier celles qui touchent au noyau de la matière et aux ressorts du vivant. L'espace comme nouvelle promesse.

Troisième veine, moins souterraine celle-ci, et de formation plus récente, que l'on pourrait appeler la « logique de l'ingénieur » ou encore « positivisme pas mort ». De toute évidence, les nations qui ont acquis la capacité de participer à l'aventure spatiale correspondent à la nomenclature des pays riches et de quelques-uns, moins riches mais puissants par leur taille ou leurs ambitions, disposant d'une élite formée   à l'accès aux connaissances scientifiques et aux technologies de pointe. Ce sont des contrées où « l'esprit technicien » est très présent dans la culture des « décideurs ». Et cet esprit y porte l'empreinte profonde d'une forme de néopositivisme, c'est-à-dire d'une manière  de  penser l'évolution de nos sociétés  selon  l'équation : progrès technique = progrès social = progrès tout court = bonheur en perspective. Nul doute, en effet, que la quasi-totalité des ingénieurs engagés dans les projets spatiaux portent en eux une foi non ébranlée dans un progrès technique nécessairement bon pour l'humanité. Cette idéologie technicienne inspire les  états-majors  des  agences publiques et des services gouvernementaux aussi bien que des entreprises industrielles intervenant dans ce domaine. Elle est certainement, avec le grand plaisir qu'ils éprouvent à mettre en œuvre des logiques abstraites, à développer des projets complexes, à se risquer aux limites des savoir-faire pour pénétrer les milieux extrêmes, un des ressorts les plus tendus de la conquête spatiale.

 

Roger LESGARDS,

« Conquête spatiale et démocratie »,

Presses de Sciences Po, Paris, 1998.

 

DOCUMENT 4

 

L'homme aux semelles de plomb, l'homme aux semelles de vent... Le cœur et l'âme du premier se consument de désir pour l'insoutenable légèreté de l'espace. Quant à son esprit, il a depuis longtemps rompu les derniers fils qui le retenaient à la Terre. Le second ne tient pas en place. Avide de nouveaux territoires,   de  nouvelles  découvertes,   c'est  un  aventurier,   un  conquérant ambitieux, orgueilleux, d'une curiosité insatiable. Et courageux, ce qui ne gâche rien.

L'homme aux semelles de plomb et l'homme aux semelles de vent sont les  deux faces  de  la  pièce  de  monnaie  avec laquelle  nous  paient  les promoteurs  de  ce  qu'il  est  désormais  convenu  d'appeler  « la  conquête spatiale ». Du premier, nous sommes censés avoir hérité le désir fou de s'élever dans les deux pour poursuivre la quête physique, mystique, spirituelle chevillée au corps de l'humanité. Le second nous a légué son esprit d'aventure, sa faim de nouveaux territoires, son besoin de conquête. La science a fait le reste, en nous offrant l'accès à l'espace.  Compte tenu de notre glorieux héritage, refuser ce cadeau reviendrait à renier notre humanité. Conclusion : nous ne pouvons pas ne pas aller dans l'espace. CQFD (1 ).

Il est des humains parfaitement à l'aise dans leurs semelles en caoutchouc et qui, pour rien au monde, ne quitteraient leur Terre douillette.

Selon 86 % d'entre nous, passer quelques jours dans l'espace au prochain siècle sera possible ; 66 % vont plus loin et estiment qu'y naître sera une routine. En revanche, demandez-leur s'ils sont prêts à aller dans l'espace et à y accoucher : 50 % accepteraient d'y faire un tour et 25 % que leur enfant y vienne au monde « Certes, nous sommes très bien sur Terre, commente Jean-Jacques Salomon, philosophe des sciences et professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, mais il y a dans les mythes de l'humanité, comme celui d'Icare, le rêve de s'arracher à la terre, à la pesanteur. On y trouve aussi, comme dans l'histoire de Phaéton, l'idée de s'approcher du Soleil. Le mythe de l'évasion terrestre - Cyrano de Bergerac, le baron de Mûnchausen – parcourt l'humanité depuis les origines et a certainement été exploité par les gens qui ont fait les premières recherches sur les fusées ».[...]

Depuis, la science a prêté sa boîte à outils à l'imaginaire spatial. L'exploration des mondes du ciel s'est faite systématique, l'imaginaire, s'il a perdu en poésie, y a gagné en nouveaux paysages, en nouveaux voisins. En nouveaux mythes aussi, avec la déferlante du folklore extraterrestre. Le rêve s'est transformé en projet : le terrain est plus que mûr pour l'homme aux semelles de vent. Epaulée par la littérature, puis par le cinéma, la haute figure de l'explorateur, calquée sur l'image de Christophe Colomb en découvreur du Nouveau Monde, prend une place toujours plus confortable dans l'imaginaire spatial moderne. Un de ses derniers avatars, le très chauve et charismatique Jean-Luc Picard du vaisseau Enterprise ne manque jamais d'ouvrir chaque nouvel épisode de la série StarTrek par un vibrant : « Space, the final frontier ! » L'espace, l'ultime frontière...

« Le thème de la nouvelle frontière est américain et non européen, précise Jean-Jacques Salomon. // est profondément ancré dans le mythe américain de la conquête du territoire. Comme ils ont épuisé la conquête de l'Ouest, liquidé les Indiens et installé des chemins de fer, les Américains ont trouvé l'incarnation de la nouvelle frontière dans le livre de Vanevar Bush, conseiller du président Roosevelt, Science, the Endless Frontier. Lorsqu'ils se sont mis à prendre au sérieux l'espace à cause de von Braun, ils ont commencé à parier d'une nouvelle frontière. Cette mythologie était peu présente du côté européen, où on voulait surtout être dans la course ».

Le parallèle avec Christophe Colomb a tout de même des limites : « C'est une extrapolation à l'espace de ce qui s'est passé sur Terre, analyse André Lebeau, physicien et ancien président du Centre national d'études spatiales (CNES). Je crois que le fait qu'il y ait une rupture de l'un à l'autre n'a pas été perçu. Une implantation spatiale est un écosystème isolé, il faut y transporter une bulle d'environnement, amener avec soi des intermédiaires organiques. L'homme a besoin de la Terre. Mir est un petit écosystème qui ne marche que grâce au cordon ombilical avec la Terre que maintiennent les vaisseaux Progress. L'espace est une frontière, mais qui se situe hors de la zone habitable. Comme l'intérieur de la Terre, où personne n'a envie d'aller ».

La Nasa a l'art et la manière de titiller notre fibre irrationnelle. En nous inondant d'images spectaculaires de l'Ailleurs (le petit robot de Mars Pathfinder...), en créant régulièrement un suspense autour de la possibilité qu'il y ait, ici ou là, un zeste de vie, en envoyant des retraités dans l'espace, en chorégraphiant le sauvetage du télescope Hubble. « L'espace selon la Nasa » est devenu un des feuilletons les plus suivis de la planète. [...]

Pourtant, le spectacle devant lequel nous sommes régulièrement invités à nous émerveiller n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le domaine spatial est autrement plus complexe. Les enjeux sont énormes : ils sont économiques avec le développement des satellites de communication, militaires avec l'observation de la Terre. Cet espace-là nous passe largement au-dessus de la tête.

 

(1)   CQFD : ce qu'il fallait démontrer

 

Leïla HADDAD,
« Espace : du mythe à la réalité », Ciel et Espace, Juillet 1999  

 

DOCUMENT 5

 

L'exploration de l'espace est l'une des entreprises majeures de notre temps. Les pages qui suivent donnent une description des premières phases de cette conquête. On verra quels problèmes elle a posés, quels moyens puissants ont été mis en œuvre pour les résoudre et quels furent les premiers résultats.  Cependant,  avant d'aborder cet aspect technique,  il paraît bon d'apprécier, aussi exactement que possible, l'intérêt et les perspectives de l'entreprise : que peut-on apprendre de l'exploration de l'espace ? Que nous a-t-elle déjà apporté ?

À l'origine des découvertes, il y a toujours un Eldorado, une route des Indes, une pierre philosophale, une question trop grande, un mythe dont seuls des illuminés osent parler sans sourire. Ce sont pourtant ces grandes questions qui constituent pour l'homme la plus grande motivation, dès qu'il possède la moindre liberté. Mais il faut à sa raison des raisons plus concrètes. Qu'est-ce donc qui justifie l'entreprise spatiale au regard d'un esprit froid ?

            Les raisons les plus pures sont ici scientifiques. En visitant la Lune et en explorant les planètes, l'homme a mieux compris la structure des corps célestes et leurs origines. L'astronomie en fut la première bénéficiaire ; car, non seulement nous connaissons mieux les planètes, mais en plaçant des observatoires hors de l'atmosphère, nous voyons l'Univers sans voiles, sans absorption, dans toute l'étendue de ses rayonnements, alors que seulement une faible partie nous en est perceptible depuis le sol. Toute notre connaissance du cosmos s'en est trouvée profondément modifiée. Les objets que l'on pouvait croire les plus familiers ont révélé un nouveau visage : on peut étudier le Soleil sans l'écran de l'atmosphère. Vue de tels observatoires, la Terre elle-même a été beaucoup mieux appréhendée, et la météorologie, par exemple, s'en est trouvée transformée.

On a coutume de présenter comme prioritaires les motivations économiques. Mais il ne semble pas que l'espace puisse fournir bientôt de nouvelles sources de matières premières ou un sol vierge à exploiter. Trop peu de choses valent la masse considérable de propergol qui les transporterait.

En réalité, les résultats les plus nets de l'exploration spatiale sont acquis sur Terre et sous nos yeux. Tout d'abord, les qualités techniques raffinées exigées du matériel spatial ont conduit les industries des pays responsables à un degré de précision et de sûreté sans précédent. Aussi ont-elles d'un coup progressé bien plus que leurs concurrentes : la miniaturisation a provoqué un bond en avant de l'électronique. Les télécommunications par satellites se sont développées. Cela donne aux « nations spatiales », dans la technique, dans l'information, dans les diverses possibilités militaires qu'il convient de ne pas oublier, une supériorité écrasante. Peut-être plus importante encore est la manière dont les programmes d'exploration ont été conduits. Pour la première fois, la méthode cartésienne de décomposition des problèmes en éléments précis a été appliquée, non par un seul cerveau, mais à l'échelle d'un groupe considérable. Pour la première fois, les hommes ont su diviser leurs problèmes en des milliers de questions, de sorte qu'un spécialiste, non plus une fourmi anonyme, pouvait traiter chacune d'elles. Cette échelle de coopération a accru encore l'avance de ceux qui savent et peuvent l'appliquer.

Si, au lieu de considérer les nations, nous portons les yeux sur l'humanité, nous percevons que tous les espoirs sont permis. Tout d'abord, l'entreprise spatiale a été la première coopération d'hommes non interchangeables, tous nécessaires et dévoués à une seule cause. Jusqu'alors, c'est   surtout   le   génie   individuel   qui   avait   été   le   principal   moteur   des découvertes. L'apparition du génie collectif nous montre à quel point la physique est susceptible d'être maîtrisée. Ne faut-il pas voir là une nouvelle forme de science qui sera celle de tous, qu'aucun ne possédera entière, tout en étant guidé par elle ? On ne peut que se demander, d'autre part, si l'on ne parviendrait pas, avec le même esprit de système et clarté, à résoudre d'autres problèmes plus lancinants, ceux du développement - mot pudique qui cache la misère - et de tant d'autres frustrations.

 

Roland OMNÈS,

Article « Espace, Introduction », Encyclopaedia Universalis.

 

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