ANALYSER POUR COMMUNIQUER : TD N°2
Chapitre 1. T.P. N°1
Chapitre 2. T.P. N°2
2.1. Document à analyser
2.2. Démarche analytique
2.3. Analyse rédigée
Page d'accueilTable des matièresNiveau supérieurPage précédenteBas de la pagePage suivante

2.1. Document à analyser

 

Document : extrait de « Conquête spatiale et démocratie »,

   Roger LESGARDS,

   Presses de Sciences Po, Paris, 1998.

 

   Un certain nombre d’explications à l’aventure spatiale des hommes peuvent être avancées. Elles se situent à différents plans.

   Au niveau le plus profond, se tiendrait une sorte de rêve collectif enfoui au creux des soutes de la « nature humaine » et qui conduirait l’espèce à tenter d’échapper à sa condition, à toujours vouloir prendre son envol, à transgresser les frontières de sa demeure terrestre. Icare, Cyrano de Bergerac et quelques autres sont appelés à la barre pour témoigner de cette pulsion profonde. Un tel désir venu des profondeurs alimenterait les mythologies les plus anciennes. Il rejoindrait aujourd’hui la question de la technique dans la mesure où, en la confiant à l’homme (sous la forme du feu…celui des fusées ?), Prométhée aurait conféré à ce dernier un destin diabolique, le portant à la démesure. Hypothèses par définition invérifiables, indiscutables et donc non scientifiques. Prenons comme telle l’idée d’un éventuel désir collectif d’évasion, d’une possible tension vers l’ailleurs, d’un irrationnel « en manque » d’infini, d’une aspiration à sortir, à échapper à la finitude.

   Deuxième galerie située à proximité de la veine précédente : celle du besoin qu’éprouverait l’homme contemporain à retrouver, dans un ciel qu’il sait désormais vide d’une présence divine, dans un cosmos où les grands mythes ont perdu de leur force explicative devant les avancées du savoir scientifique, une forme renouvelée d’élévation, de transcendance dont il serait lui-même le créateur. L’aventure spatiale constituerait alors, aux yeux des hommes, l’amorce et la promesse d’un nouveau grand récit. Ce serait une deuxième source qui alimenterait non plus tellement une conquête de l’espace, mais une quête vieille comme l’humanité, celle de sa propre origine, de son identité, de sa spiritualité. L’aspect scientifique de l’aventure spatiale trouverait ici sa légitimité. Elle pourrait constituer un des éléments d’une tentative nouvelle d’explication globale, de fiction renouvelée pour retrouver le Sens. La science n’est-elle pas déjà créatrice de simulations, de modélisations et donc de représentations sur la grande scène de l’imaginaire où elle-même en retour s’abreuve ! Sans doute tenons-nous ici une des explications du fait que le développement des sciences et techniques spatiales échappe à ces nouvelles angoisses engendrées par d’autres technosciences, en particulier celles qui touchent au noyau de la matère et aux ressorts du vivant. L’espace comme nouvelle promesse.

   Troisième veine, moins souterraine celle-ci, et de formation plus récente, que l’on pourrait appeler la « logique de l’intérieur » ou encore « positivisme pas mort ». De toute évidence, les nations qui ont acquis la capacité de participer à l’aventure spatiale correspondent à la nomenclature des pays riches et de quelques-uns, moins riches mais puissants par leur taille ou leurs ambitions, disposant d’une élite formée à l’accès aux connaissances scientifiques et aux technologies de pointe. Ce sont des contrées où « l’esprit technicien » est très présent dans la culture des « décideurs ». Et cet esprit y porte l’empreinte profonde d’une forme de néopositivisme, c’est-à-dire d’une manière de penser l’évolution de nos sociétés selon l’équation :progrès technique=progrès social=progrès tout court=bonheur en perspective. Nul doute, en effet, que la quasi-totalité des ingénieurs engagés dans les projets spatiaux portent en eux une foi non ébranlée dans un progrès technique nécessairement bon pour l’humanité. Cette idéologie technicienne inspire les états-majors des agences publiques et des services gouvernementaux aussi bien que des entreprises industrielles intervenant dans ce domaine. Elle est certainement, avec le grand plaisir qu’ils éprouvent à mettre en œuvre des logiques abstraites, à développer des projets complexes, à se risquer aux limites des savoir-faire pour pénétrer les milieux extrêmes, un des ressorts les plus tendus de la conquête spatiale.

 

Page d'accueilTable des matièresNiveau supérieurPage précédenteHaut de la pagePage suivante