Roger Lesgardes tente, dans cet extrait de son essai intitulé Conquête spatiale et démocratie, édité aux Presses de Sciences Po en 1998, d’expliquer les motivations humaines de l’aventure spatiale.

   Le titre, apparemment paradoxal, de l’ouvrage donne le ton : des pulsions les plus primitives aux préoccupations politiques les plus récentes, pourquoi l’Homme veut-il conquérir l’espace ?

   L’argumentation s’appuie sur une métaphore : Lesgardes mime l’exploration d’une mine dont les trois niveaux de galeries correspondraient à trois hypothèses de l’auteur. Ainsi l’Homme est assimilé à la terre même dont il tente de s’extraire par la conquête spatiale.

   Le premier niveau, le plus profond, serait du domaine de l’irrationnel sans cesse exprimé par les mythologies les plus anciennes. L’auteur oppose le lexique du rêve, de l’échappée, à celui de la finitude, résumant ainsi le drame de la condition humaine. De ce déchirement naîtrait la dynamique de conquête.

   La deuxième veine révèlerait une hypothèse paradoxale : ce que l’homme a perdu par les sciences, il chercherait à le retrouver par les sciences. Dans le ciel vide de Dieu, la conquête spatiale serait avant tout une tentative pour réécrire la Genèse, une quête de la spiritualité perdue. Le voyage spatial comme voyage initiatique…Noble motivation, « promesse » spirituelle, répète Lesgardes, qui mettrait l’aventure spatiale à l’abris des angoisses métaphysiques suscitées, par exemple, par la recherche génétique.

   Le troisième niveau d’explication, le plus actuel, reprend les utopies connues du progrès, associant le lexique de la technique à ceux du bonheur et de la richesse. L’auteur y voit non plus une hypothèse, le présent de l’indicatif remplace le conditionnel, mais une certitude en ce qui concerne les motivations politiques et industrielles de la conquête spatiale.

La dernière phrase fait la synthèse, par une accumulation de verbes d’action, de ce qui constitue la nature même de l’Homme d’aujourd’hui et qui explique son attrait pour l’espace : la réunion d’une l’idéologie technicienne du bonheur, du goût du risque et du plaisir d’entreprendre.