Premier signe essentiel d'un texte : les indices d'énonciation.

Qui sont-ils ?

Ce sont des marques du discours qui renseignent sur la présence et la position de l'émetteur
par rapport à son énoncé.

 

Les indices personnels

Ils sont un signe à prendre en compte pour l'analyse : pronoms personnels, adjectifs possessifs …

Relisons le début d'un discours prononcé par Valéry Giscard d'Estaing et publié dans Le Monde du 30/01/78 :

« Mes chères Françaises, mes chers Français, je vous ai parlé du bon choix pour la France. Je l'ai fait, vous l'avez vu, avec une certaine gravité. Il faut que je vous dise pourquoi, et je vous raconterai, pour cela, un souvenir d'enfance ».

Votre lecture active constate la présence récurrente des marques personnelles de l'énonciateur, Valéry Giscard d'Estaing.

C'est important pour l'analyse du discours ? OUI …POURQUOI ?

La présence du "je" et du "vous" montre :
- une forte implication de l'émetteur,
- un désir d'entraîner l'auditoire dans son sillage pour mieux le convaincre.

D'ailleurs la fin du discours confirme cette première observation
« vous ferez le bon choix pour la France »

 

 

Vous êtes donc préparé à une analyse qui révélera les étapes de l'argumentation de Valéry Giscard d'Estaing et sa capacité à solliciter l'attention pour convaincre les électeurs lors de la campagne pour les élections législatives de Mars 1978.

Votre lecture active suit le cap proposé par les indices personnels.

 

Les verbes énonciatifs

 

Ces verbes caractérisent les différents modes de pensée et de jugement et sont un indice de présence
et de prise de position dans un énoncé.

Vous avez également besoin de ces verbes pour affirmer votre pensée lors d'un entretien, par exemple.

• Ils exposent une idée : aborder ; envisager,
• Ils défendent une idée : affirmer ; prétendre ; être convaincu de ; soutenir etc...
• Ils mettent en valeur une idée : préciser ; souligner,
• Ils concèdent : admettre ; convenir ; approuver,
• Ils critiquent, ils réfutent : condamner ; objecter ;   rétorquer ; réfuter,
• Ils proposent une solution : préconiser ; suggérer.

 

Les indices de jugement évaluatif

 

Ce sont des termes (noms, adjectifs, verbes, adverbes) qui présentent un jugement de valeur  mélioratif ou péjoratif,
jugement que l'émetteur porte sur tel comportement, telle situation...

Reprenons un extrait du discours de Valéry Giscard d'Estaing.

« Il m' a toujours semblé que le sort de la France hésitait entre deux directions : tantôt, quand elle s'organise, c'est un pays courageux , volontaire, efficace, capable de faire face au pire et capable d'aller loin ; tantôt, quand elle se laisse aller , un pays qui glisse vers la facilité, la confusion, l'égoïsme, le désordre. »                                

• Votre lecture active sélectionne une énumération d'adjectifs qui apporte une qualification positive au mot « pays » : « courageux, volontaire, efficace, » puis une énumération de substantifs, qui, pour ce même mot « pays » porte une qualification négative « facilité; confusion ; égoïsme ; désordre ».
• Vous repérez également deux verbes montrant des comportements possibles de la France : « elle s'organise » ; « elle se laisse aller », le premier appréciatif, le second, dépréciatif. 
• Ce vocabulaire du jugement fonctionne par opposition entre les verbes d'une part et entre les adjectifs et noms d'autre part.

                                                                   
CET INDICE EVALUATIF EST ESSENTIEL POUR L'ANALYSE : il dévoile la stratégie de V.G. D'Estaing :

• En apparence il offre aux Français un choix « entre deux directions ».
• En réalité, il n'y a qu'un choix : voter pour son parti(énonciation qualifiante : « courageux ») ; et exclure le parti de la gauche(énonciation disqualifiante : « égoïsme » ; « désordre »).   

Les indices de jugement affectif

Quels sont-ils ?

Ce sont des termes (souvent des adjectifs) qui énoncent une réaction émotionnelle du sujet parlant face à l'objet évoqué.
Ces termes impliquent un engagement affectif de l' énonciateur qui manifeste sa présence au sein de l'énoncé.

Ex : « la pauvre victime « ; « le cruel assassin ».

Prenons comme exemple un article publié dans le journal Le temps , du 14 février 1887, « les artistes contre la tour Eiffel ».

Vous allez mesurer la dimension presque ridicule de ce texte écrit en 1887,
quand on sait combien la Tour Eiffel est devenu l'emblème de Paris !
Mais la nouveauté fait souvent peur …

[...] la Tour Eiffel, dont la commerciale Amérique ne voudrait pas, c'est, n'en doutez pas, le déshonneur de Paris. Chacun le sent, chacun le dit, chacun s'en afflige profondément et nous ne sommes qu'un faible écho de l'opinion universelle, si légitimement alarmée. Enfin, lorsque les étrangers viendront visiter notre exposition, ils s'écrieront étonnés : »Quoi ! C'est cette horreur que les Français ont trouvée pour nous donner une idée de leur goût si fort vanté.(....) Il suffit d'ailleurs pour se rendre compte de ce que nous avançons, de se figurer une tour vertigineusement ridicule, dominant Paris, ainsi qu'une gigantesque cheminée d'usine écrasant de sa masse barbare Notre dame, la sainte Chapelle, le dôme des Invalides, l'Arc de Triomphe, tous nos monuments humiliés, toutes nos architectures rapetissées, qui disparaîtront dans ce rêve stupéfiant.

Télécharger le texte pour l'imprimer.

Une lecture active et sélective (repérage des termes relevant du jugement affectif) met en évidence la présence de plusieurs catégories grammaticales révélant l'émotion des Artistes devant la tour Eiffel :

• des adjectifs : barbare ; humiliés ; rapetissées,
• des substantifs : horreur ; masse,
• des verbes : s'en afflige ; disparaîtront,
• des adverbes : profondément ; vertigineusement.

Observons que ces termes ont une valeur intensive.
Induisons qu'ils font entendre la colère et l'indignation des artistes et que le registre est polémique.

Degageons les thèses en présence :

• La thèse réfutée : La tour Eiffel est un beau monument.
• La thèse revendiquée par les Artistes : la Tour Eiffel est une insulte à la beauté de l'architecture de Paris.
  
  

Les modalisateurs

 

Ce sont des verbes, des noms, des adjectifs ou des adverbes qui informent sur le  degré d'adhésion de l'émetteur aux propos qu'il énonce.
Par l'usage des modalisateurs, le locuteur renforce, nuance ou rectifie la portée de l'assertion, de l'affirmation, qu'il avance.

Catégories de termes modalisateurs :

• verbes : je suis certain ; je me demande si ; on peut penser que; il doit avoir ..; il prétend que ; s'imaginer...
• adverbes : presque ; trop ; certainement ; absolument ; peut-être ; sans doute ; vraisemblablement...
• Adjectifs : douteux ; soit-disant ; prétendu,
• Substantifs : une espèce de … une apparence de.

Un exemple de modalisateurs dans un court extrait d'un texte de Jean-Louis Missika, « La république des médias », Pouvoirs, n°68.
Jean-Louis Missica est journaliste, spécialiste des médias.

Cette impotence (l'incapacité, l'impuissance) des médias est souvent perçue comme une omnipotence par ceux qui considèrent que les « vrais » problèmes sont passés sous silence ou déformés. Ils pensent que le bruit médiatique tue la délibération politique et handicape l'action politique. […] Le système dans lequel nous évoluons est sans doute moins mauvais que beaucoup de ceux qui l'ont précédé. La République des médias est souvent agaçante, parfois ridicule, mais elle est ouverte et perfectible.  

Vous pouvez alors sélectionner :  

• les signes de mise à distance de Jean-Louis Messica à l'égard de ceux qui critiquent les médias :
  • les verbes : « considèrent » ; « ils pensent que » « est souvent perçue comme »,
  • la typographie : guillemets : « vrai ».
• les signes d'entrée dans sa propre thèse :
        l'adverbe : « sans doute » : jugement de vérité ; certitude.

Les modalisateurs permettent donc de faire entendre plusieurs voix contradictoires
(Ils participent de la polyphonie, indice qui sera évoqué plus loin)