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4.3.1. Exercice : La place d'Internet dans nos sociétés ouvertes
« La place d'Internet dans nos sociétés ouvertes » Indiscipliné. 35 ans de recherches / Dominique Wolton. Edition Odile Jacob, 2012, 460 p.
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« La place d'Internet dans nos sociétés ouvertes » Indiscipliné. 35 ans de recherches / Dominique Wolton. Edition Odile Jacob, 2012, 460 p.
Internet reflète cette contradiction majeure entre l’idée de liberté et la réalité d’un immense réseau antinomique avec cette idée même de liberté. Et de cette contradiction, on ne peut sortir que par la politique. Oui, la dimension libertaire, critique et utopiste est la plus importante, mais seul le manque de culture historique fait oublier que les mêmes utopies généreuses ont existé pour la radio et la télévision, sans oublier le télégraphe dans les années 1820. Oui, l’idée d’égalité entre les usagers est superbe, mais, dans les faits, l’interactivité généralisée ne suffit pas à réduire les inégalités socio-culturelles et renforce souvent les communautarismes. Oui, les bloggeurs peuvent être de nouveaux acteurs de la démocratie, mais il y en a eu beaucoup d’autres avant eux, et avec des moyens techniques dérisoires par rapport aux performances du net. Oui, Internet relance des formes de mobilisation politique plus décentralisées, proches de l’autogestion et de l’anarchie, doublées d’une méfiance à l’égard des partis et des syndicalistes officiels. Pourquoi pas ? Cela s’est déjà produit plusieurs fois au XIXè et XXè siècle. L’essentiel n’est jamais la technique, mais la question d’une pensée politique. D‘ailleurs depuis une génération, le progrès des techniques a littéralement « asséché » une pensée réflexive sur le statut des techniques qui avait existé depuis les années 20. Le mélange de leurs performances et le fait qu’elles portent sur la communication, avec une efficacité supérieure à la communication humaine, ont fait disparaitre, voire disqualifier toute tradition intellectuelle et culturelle de la réflexion sur la société. Internet et après ? Oui, internet reste un lieu d’expression, de liberté, d’émancipation, d’apprentissage individuel, mais pourquoi les faces d’ombre, les contradictions sont-elles ignorées ? [...] Et rien n’interdit demain à des forces hostiles à la démocratie de se servir d’internet pour combattre celle-ci, avec autant d’efficacité que les internautes s’en servent aujourd’hui contre les dictatures. [...] Or pour l’instant, on ne veut pas savoir. […]
L’une des causes de l’idéologie d’internet vient peut-être de l’idée de pureté associée au caractère « immatériel » de cette activité. Il ne s’agit ni de la nature avec la surveillance de l’écologie, ni de l’industrie avec le poids de la pollution, mais d’activités « sans traces physiques », immatérielles, et pour tout dire imaginaires. [...] Il subsiste toujours une question sans réponse : que faire du temps gagné par ces instruments ? Celui-ci reste finalement toujours compté pour l’existence humaine. En réalité la question n’est pas posé et, tel le petit lapin de Lewis Caroll, chacun continue de courir, de plus en plus vite. Ce qui d’ailleurs se résume parfaitement dans le titre d’un hebdomadaire : « Les ados accros, les parents à cran ».
Le question anthropologique complémentaire est la suivante : le Net accélère sans cesse la circulation et l’interaction, au point que tout circule, mais qu’en est-il de l’accumulation, donnée humaine indépassable. Puisque l’individu ne peut pas tout accumuler, quel équilibre peut s’établir entre accumulation et circulation ? Et si l’on accumule de plus en plus, comment oublier ? Inventer, c’est oublier, même si c’est parfois pour retrouver ou réaménager. En tout cas, il faut pouvoir s’échapper de tout ce qui circule et qui est là accumulé. Cette fascination pour la circulation et l’accessibilité renforce l’idée fausse d’un monde où tout est transparent et connaissable. Il n’y a quasiment plus de frontière au tout du savoir et de l’image. Tout peut être dit, montré, y compris volé, avec Wikileaks, au nom de la transparence. Aucune loi au nom de la liberté ne peut finalement s’appliquer au Net. Ni barrières ni limite. Pourtant, simultanément, les murs physiques ne cessent de se multiplier dans ce monde ouvert, ainsi que les frontières politiques souvent infranchissables. Les hommes peuvent circuler dans leur tête, mais pas toujours dans les faits. Autrement dit, ce sont autant des raisons anthropologiques qu’idéologiques qui expliquent le succès inouï de tout ce qui tourne autour de l’internet avec ce choix : rien ici ne peut être soumis au droit habituel. Nous sommes face à un hors-norme, pour ne pas dire « un hors la loi ». L’internet hors la loi des dictatures devient aussi, souvent, « hors la loi » pour les démocraties. Comme s’il s’agissait des mêmes enjeux. Il y a pourtant trois bornes dans ce monde transparent, instantané et interactif. L’altérité n’est nullement réduite par la visibilité ; le conflit des légitimités entre des visions nécessairement contradictoires du monde ; l’importance des intermédiaires humains certes plus lents que les interactions techniques, mais qui permettent justement de relativiser ce qui était déjà un mythe des années 30, celui de l’avénement d’une « société automatique ».
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1. Repérer dans le document, les mots, expressions, phrases dont le contenu exige une présentation plus simplifiée (nous n’avons pas dit simplificatrice... )
2. Proposer un résumé du texte de Dominique Volton (environ le quart du texte)
L’objectif est de vulgariser le contenu de ce document pour le présenter à un public « généraliste » que l’on veut mener à s’interroger sur les risques d’internet.
Rappel : veiller à rendre clairement les étapes de la pensée par des enchainements logiques « visibles », et à « traduire » un vocabulaire parfois spécialisé et abstrait en termes ou en notions moins conceptuelles (voir aussi la ressource « Savoir dire pour savoir penser : conceptualiser »).
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