ANALYSER POUR COMMUNIQUER : TD N°5
 
Chapitre 1. T.P. N°1
Chapitre 2. T.P. N°2
Chapitre 3. T.P. N°3
Chapitre 4. T.P. N°4
4.1. Document
4.2. Tableau de synthèse
4.3. Plan détaillé
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4.1. Document

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Document 1.

 

.........Si les grands pervers (1) sont rares dans les entreprises, ils y sont redoutables en raison de leur pouvoir d'attraction et de leur don pour entraîner l'autre au-delà de ses limites. [...]

 

.........L'agression y est claire. C'est un supérieur hiérarchique qui écrase ses subordonnés de son pouvoir. Le plus souvent, c'est le moyen pour un « petit chef » de se valoriser. Pour compenser sa fragilité identitaire, il a besoin de dominer et le fait d'autant plus facilement que le subordonné, dans sa crainte d'un licenciement, n'a d'autre choix que de subir. La bonne marche prétendue de l'entreprise justifie tout : horaires extensibles qu'il n'est pas possible de négocier, surcharge de travail dans l'urgence, exigences incohérentes.

 

.........Pourtant, mettre la pression d'une manière systématique sur les subordonnés est un style de management inefficace et peu rentable puisque la surcharge de stress peut engendrer des erreurs professionnelles et amener des arrêts maladie. Une main-d'œuvre heureuse est plus productive. Néanmoins, le petit chef ou même la direction gardent l'illusion qu'ainsi ils obtiennent un maximum de rentabilité.

 

.........En principe, l'abus de pouvoir n'est pas dirigé spécifiquement contre un individu. Il s'agit seulement d'écraser plus faible que soi. Dans les entreprises, il peut se transmettre en cascade, de la plus haute hiérarchie jusqu'au petit chef.

 

.........L'abus de pouvoir des chefs a toujours existé, mais actuellement il est très souvent déguisé. Les dirigeants parlent d'autonomie et d'esprit d'initiative à leurs salariés, mais n'en exigent pas moins soumission et obéissance. Les salariés marchent parce qu'ils sont obsédés par des menaces sur la survie de l'entreprise, par la perspective des licenciements et par le rappel incessant de leur responsabilité, donc de leur culpabilité éventuelle. [...]

 

.........Si certains employeurs traitent leurs employés comme des enfants, d'autres les considèrent comme leurs « choses », utilisables à merci. S'il s'agit, comme ici, de création, c'est une atteinte encore plus directe à la personne. On éteint ainsi chez le salarié tout ce qui est novateur, toute initiative. Néanmoins, si l'employé est utile ou indispensable, pour qu'il ne parte pas, il faut le figer, l'empêcher de penser, de se sentir capable de travailler ailleurs. Il faut l'amener à croire qu'il ne vaut pas plus que sa position dans l'entreprise. S'il résiste, on l'isole. On le croise sans lui dire bonjour, sans le regarder, on ignore ses suggestions, on refuse tout contact. Arrivent ensuite les remarques blessantes et désobligeantes, et si cela ne suffit pas, la violence apparaît.

 

.........Lorsque la victime réagit et tente de se rebeller, la malveillance latente fait place à une hostilité déclarée. Commence alors la phase de destruction morale qui a été qualifiée de psychoterreur. Là, tous les moyens sont bons, y compris la violence physique, pour démolir une personne désignée. Cela peut la conduire à un anéantissement psychique ou au suicide. Dans cette violence, l'intérêt de l'entreprise est perdu de vue par l'agresseur, qui veut uniquement la perte de sa victime.

 

.........Dans le fonctionnement pervers, il n'y a pas que la quête du pouvoir, il y a surtout une grande jouissance à utiliser l'autre comme un objet, comme une marionnette. L'agresseur réduit l'autre à une position d'impuissance pour ensuite le détruire en toute impunité. Pour obtenir ce qu'il désire, il n'hésite pas à utiliser tous les moyens, même et surtout si cela se fait au détriment des autres. Rabaisser les autres afin d'acquérir une bonne estime de soi lui paraît légitime. Il n'y a aucun respect envers autrui. Ce qui frappe, c'est une animosité sans borne pour des motifs futiles, et une absence totale de compassion pour les personnes acculées à des situations insupportables. Celui qui inflige la violence à l'autre considère que celui-ci la mérite et qu'il n'a pas le droit de se plaindre. La victime n'est plus qu'un objet gênant dont l'identité est niée. Il ne lui est reconnu aucun droit à un sentiment ou à une émotion.

 

.........Face à cette agression qu'elle ne comprend pas, la victime est seule car, comme dans toutes les situations perverses, il existe une lâcheté et une complaisance de l'entourage qui craint de devenir cible à son tour ou parfois jouit de façon sadique du spectacle de cette destruction.

 

.........Dans une relation normale, il est toujours possible, au besoin par le conflit, de mettre une limite à la toute-puissance de l'autre pour imposer un équilibre des forces. Mais un pervers (1) manipulateur ne supportant pas la moindre opposition à son pouvoir, transformera une relation conflictuelle en haine, au point de vouloir la destruction de son partenaire.

 

Marie-France HIRIGOYEN,

Le harcèlement moral,

Éditions La Découverte et Syros, 1998.

 

  1. Un pervers : celui qui est porté à faire le mal.

 

Document 2.

.........Elle a lutté des années, sans broncher. Françoise, 53 ans, menait une carrière paisible de traductrice-rédactrice dans une société informatique à Rungis. Et puis une nouvelle direction a débarqué, fin 1992. Les tirs ont commencé quelques semaines plus tard. On a d'abord tenté de la convaincre de démissionner, avant de l'isoler dans un coin sombre, près des toilettes. « Fanfan » a peu à peu perdu tout intérêt aux yeux de ses collègues. Ils se sont éloignés les uns après les autres. C'étaient des petites humiliations quotidiennes : regards insidieux, sourires moqueurs. Des portes qui se ferment, des conversations qui cessent dès qu'elle approche de la machine à café. Des remarques en douce sur son divorce, sa fragilité, son physique. « Celle-là, il n'y a rien à en faire. Elle est imbaisable (1) », plaisantait le patron à l'heure du déjeuner. Elle l'entendait, tapie dans son bureau avec son sandwich poulet-crudités. Le salaud (1) s'amusait à lui coller des avertissements, la convoquait pour rien, cinq minutes de retard, un document mal agrafé, un bureau mal rangé. Un matin, alors qu'elle demandait quelques jours de congé pour se faire opérer d'une tumeur de la carotide, il a hurlé :« Ça va pas, on est en plein catalogue ! » II voulait sa peau. Françoise se tapait la tête contre les murs. Mais elle tenait bon, shootée la nuit aux somnifères, le jour aux antidépresseurs.

.........Des années de souffrance en silence. Et puis, un soir, elle est tombée sur une émission de radio consacrée au harcèlement moral. « C'était comme une révélation, une résurrection. Je comprenais enfin ce qui m'arrivait. » Des milliers de salariés, comme Françoise, ont ressenti un immense soulagement en entendant parler du livre de Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, publié en 1998. La psychiatre n'avait pas découvert le phénomène - le concept de « mobbing (2) » était connu depuis longtemps aux États-Unis et Christophe Dejours avait déjà analysé, en France, les souffrances psychologiques liées au travail - mais elle a su trouver le mot, les descriptions justes. Beaucoup identifièrent ainsi cette violence sournoise et répétitive, ces frustrations quasi indécelables qu'ils vivaient chaque jour, à l'usine ou au bureau.

 

   .....Depuis, le harcèlement moral est devenu un véritable phénomène desociété, discuté dans des dizaines de colloques, de magazines, d'ouvrages. L'entrée en vigueur d'une loi anti-harcèlement en janvier n'a fait qu'amplifier la tendance. Des juristes, cabinets de conseil, psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, relaxologues... se sont engouffrés dans ce marché porteur. Les sites et les forums de discussions fleurissent. Une pièce de théâtre, « Harcèlement mutuel », se joue avec succès dans les entreprises. « C'est simple. Un article ou une émission de télé sur ce thème, et on a cent coups de fil dans l'heure qui suit », explique Loïc Scoarnec, président de l'association HMS (Harcèlement moral stop), qui a reçu cette année près de 17 000 appels.

 

   ......L'actualité rapporte chaque semaine ou presque les combats de travailleursharcelés. A Lille, le Ballet du Nord a refusé de danser durant des semaines pour obtenir le départ de sa chorégraphe, qu'il accuse de harcèlement. A Gonesse, les salariés d'une entreprise de vente par correspondance ont fait une semaine de grève pour dénoncer « le harcèlement permanent de certains chefs de service et de ladirection ». A la Croix-Rouge française, un collectif de défense regroupant une centaine de salariés dénonce des pratiques de harcèlement de certaines directions départementales. Une dizaine de plaintes ont déjà été déposées aux prud'hommes, et une manifestation est prévue le 21 novembre.

 

........Associatif, public, privé... aucun secteur n'est épargné. 10% des salariés

seraient victimes de harcèlement moral en France. La journaliste Marie Muller aenquêté deux ans durant sur cette nouvelle souffrance. « Je ne m'attendais pas à untel phénomène, à rencontrer dans notre pays un bouleversement des mentalités etde tristesse aussi grands », écrit-elle dans « Terreur au travail ».

 

........Que s'est-il passé ? La société moderne fabriquerait-elle plus de pervers? Le monde du travail serait-il devenu particulièrement impitoyable ? Les salariés d'aujourd'hui n'ont sans doute rien à envier à ceux du temps d'Hugo ou de Zola. Marie Muller a retrouvé le règlement intérieur d'une vinaigrerie, établi en 1880. « Piété, propreté et ponctualité font la force d'une bonne affaire », rappelait le patron en préambule. « // est strictement interdit de parler et de manger durant les heuresde bureau. Et aucun employé ne sera autorisé à quitter la pièce sans l'avis du directeur ».

Les conditions de travail étaient sans doute bien plus dures il y a un siècle, mais la solidarité de classe les rendait moins insupportables. On se sentait embarqué dans le même bateau, les syndicats jouaient leur rôle. Aujourd'hui la hiérarchie est plus diffuse, les tâches plus personnalisées, plus immatérielles.Chacun se retrouve isolé avec pour seule mission : « Fais de ton mieux, débrouille-toi mais n'oublie pas les objectifs... ». De quoi rendre fou. Les nouvelles règles de fonctionnement de l'entreprise, l'exigence de rentabilité, la course à la compétitivité, l'essor de l'autonomie, le tout dans un contexte de montée du chômage de masse - ont considérablement accru la pression sur les salariés. La menace de l'ANPE a permis à certains patrons de satisfaire en toute tranquillité leurs désirs de toute-puissance. Paradoxalement, la législation française, très protectrice, a aussi sans doute favorisé ce climat délétère (3) : faute de pouvoir licencier à leur gré, certaines entreprises tentent de pousser leurs employés à bout... Mais la loi du profit n'est pas seule en cause : à côté de ce harcèlement lié aux contraintes économiques, la perversité ordinaire de petits chefs mal dans leur peau est aussi très répandue dans les associations, les hôpitaux ou les administrations. (...)

Sophie DES DÉSERTS,

« Harcèlement moral : la nouvelle donne »,

Le Nouvel Observateur, 14-20 novembre 2002.

 

  1. si choquants que ces propos puissent paraître, ils correspondent à la volonté de l'Auteur de dénoncer ce qu'entendent réellement certaines femmes dans les situations de harcèlement moral.
  2. mobbing : harcèlement (en anglais)
  3. délétère : malsain.

Document 3.

 

Au début des années 1990, la narratrice, une jeune Belge, est embauchée par une puissante firme japonaise, dont elle va découvrir à ses dépens la rigueur implacable.

 

.........Un beau jour, nous entendîmes au loin le tonnerre dans la montagne : c'était monsieur Omochi qui hurlait. Le grondement se rapprocha. Déjà nous nous observions avec appréhension.

 

.........La porte de la section comptabilité céda comme un barrage vétusté sous la pression de la masse de chair du vice-président qui déboula parmi nous. Il s'arrêta au milieu de la pièce et cria, d'une voix d'ogre réclamant son déjeuner.

 

.........- Fubuki-san !

 

..........Et nous sûmes qui serait immolé en sacrifice à l'appétit d'idole carthaginoise (1) de l'obèse. Aux quelques secondes du soulagement éprouvé par ceux qui étaient provisoirement épargnés succéda un frisson collectif de sincère empathie (2).

 

.........Aussitôt ma supérieure s'était levée et raidie. Elle regardait droit devant elle, dans ma direction donc, sans me voir cependant. Superbe de terreur contenue, elle attendait son sort.

  

.........Un instant, je crus qu'Omochi allait sortir un sabre caché entre deux bourrelets et lui trancher la tête. Si cette dernière tombait vers moi, je l'attraperais et la chérirais jusqu'à la fin de mes jours.

 

.........« Mais non, me raisonnai-je, ce sont des méthodes d'un autre âge. Il va procéder comme d'habitude - la convoquer dans son bureau et lui passer le savon du siècle. »

 

.........II fit bien pire. Était-il d'humeur plus sadique que de coutume ? Ou était-ce parce que sa victime était une femme, a fortiori une très belle jeune femme ? Ce ne fut pas dans son bureau qu'il lui passa le savon du millénaire : ce fut sur place, devant la quarantaine de membres de la section comptabilité.

 

.........On ne pouvait imaginer sort plus humiliant pour n'importe quel être humain, à plus forte raison pour n'importe quel Nippon, à plus forte raison pour l'orgueilleuse et sublime mademoiselle Mori, que cette destitution publique. Le monstre voulait qu'elle perdît la face, c'était clair.

 

.........Il se rapprocha lentement d'elle, comme pour savourer à l'avance l'emprise de son pouvoir destructeur. Fubuki ne remuait pas un cil. Elle était plus splendide que jamais. Puis les lèvres empâtées commencèrent à trembler et il en sortit une salve de hurlements qui ne connut pas de fin.

 

.........Les Tokyoïtes ont tendance à parler à une vitesse supersonique, surtout quand ils engueulent. Non content d'être originaire de la capitale, le vice-président était un obèse colérique, ce qui encombrait sa voix de scories de fureur grasse : la conséquence de ces multiples facteurs fut que je ne compris presque rien de l'interminable agression verbale dont il martela ma supérieure.

 

.........En l'occurrence, même si la langue japonaise m'avait été étrangère, j'aurais saisi ce qui se passait : on était en train d'infliger à un être humain un sort indigne, et ce à trois mètres de moi. C'était un spectacle abominable. J'aurais payé cher pourqu'il cessât, mais il ne cessait pas : le grondement qui sortait du ventre du tortionnaire semblait intarissable.

 

.........Quel crime avait pu commettre Fubuki pour mériter pareil châtiment ? Je ne le sus jamais.

 

.........Mais enfin, je connaissais ma collègue : ses compétences, son ardeur au travail et sa conscience professionnelle étaient exceptionnelles. Quels qu'aient pu être ses torts, ils étaient forcément véniels (3). Et même s'ils ne l'étaient pas, la moindre des choses eût été de tenir compte de la valeur insigne de cette femme de premier ordre.

 

.........Sans doute étais-je naïve de me demander en quoi avait consisté la faute de ma supérieure. Le cas le plus probable était qu'elle n'avait rien à se reprocher. Monsieur Omochi était le chef : il avait bien le droit, s'il le désirait, de trouver un prétexte anodin pour venir passer ses appétits sadiques sur cette fille aux allures de mannequin. Il n'avait pas à se justifier.

                 Amélie NOTHOMB,

Stupeur et tremblements,

Éditions Albin Michel, 1999.

  1. idole carthaginoise : référence mythologique à une divinité qui dévore.
  2. empathie : faculté de s'identifier à quelqu'un, de ressentir ce qu'il ressent.
  3. véniels : peu importants.

Document 4.

LOI n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

.........« Art. L 122-49. - Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

 

.........« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »

 

.........« Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

 

.........« Art. L. 122-50. - Est passible d'une sanction disciplinaire tout salarié ayant procédé aux agissements définis à l'article L. 122-49. »

 

.........« Art. L. 122-51. - II appartient au chef d'entreprise de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements visés à l'article L. 122-49 >>.

 

.........« Art. L. 122-52. - En cas de litige relatif à l'application des articles L 122-46 et L. 122-49, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas consécutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

 

.........« Art. 222-33-2. - Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende. »

 

Extraits du Journal Officiel n°15 du 18 janvier 2002.

 

 

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