ANALYSER POUR COMMUNIQUER : TD N°5
Chapitre 1. T.P. N°1
Chapitre 2. T.P. N°2
2.1. Document
2.2. Tableau de synthèse
2.3. Plan détaillé
Chapitre 3. T.P. N°3
Chapitre 4. T.P. N°4
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2.1. Document

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Document 1.

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..........Le Nouvel Observateur. - «Et pourtant ils lisent... ». Pourquoi avez-vous introduit ce bémol « et pourtant » dans le titre de votre livre ? Ne pouviez-vous annoncer, comme vous l'aviez fait pour le niveau scolaire : « mais si, ils lisent ! ».

 

.........Christian Baudelot. - Les jeunes d'aujourd'hui lisent. Ce constat dément par les faits de nombreux discours proclamant la fin de la lecture. Loin d'être un bémol, notre « et pourtant » est une revanche du fait sur la prophétie. Ils lisent, mais sur un mode différent de celui qui fait de la lecture l'alpha et l'oméga de la formation intellectuelle : il faudrait lire pour vivre et on ne pourrait pas vivre sans lire, on lirait pour s'instruire aussi bien que pour se divertir et, au bout de l'étude, il y aurait le plaisir... Ce modèle-là ne fonctionne pas beaucoup chez les jeunes.

 

.........N.0. - Par quoi l'ont-ils remplacé ?

 

.........C. Baudelot. - Ils ne l'ont pas remplacé, ils l'ont simplement relativisé, laïcisé, désacralisé ! La lecture est devenue pour eux un acte ordinaire, qui fait partie d'un univers où coexistent l'image, le son et l'écrit. Cette banalisation s'accompagne d'une prise de distance avec les hiérarchies littéraires véhiculées par l'école. Au total ils ne lisent pas énormément, mais ils lisent quand même, de différentes façons, y compris des auteurs qui n'ont pas de valeur aux yeux de la culture légitime. La lecture n'est pas pour eux une pratique morte. Ils ont des livres chez eux, s'en prêtent et parlent de leurs lectures avec leurs copains, et un cinquième des élèves s'identifient à des personnages de roman : au hit-parade de leurs héros, Hercule Poirot et Julien Sorel enfoncent Michael Jackson et Agassi !

 

.........N.O. - Ce n'est pas très réjouissant pour les adultes que de voir un modèle ancien s'envoler en une génération...

 

.........C. Baudelot. - Ce n'est pas un modèle ancestral ! La longue histoire du livreque nous racontent les historiens est faite de mutations et de ruptures. Nos ancêtressont passés d'une lecture oralisée à une lecture silencieuse et visuelle. L'écrit,d'abord trésor à conserver, est devenu copie à étudier. On a lu intensivement peu delivres, puis extensivement beaucoup. Aujourd'hui on zappe autant qu'on lit ;l'informatique, Internet obligent beaucoup à lire... Il est probable qu'on assiste à lamutation d'un modèle de lecture plutôt qu'à une crise de la lecture !

 

.........N.O. - Les adolescents lisent, dites-vous. Mais dès votre premier chapitre,vous soulignez vous-même qu'ils lisent peu. Et, au total, le paysage que vous nous présentez est si contrasté que chacun trouvera des arguments : ceux qui prophétisent l'effondrement de la culture,comme ceux qui refusent ce discours de la décadence.

 

.........C. Baudelot. - C'est un tableau en clair-obscur, comme tous ceux de la réalité sociale. Il nous montre deux pôles d'élèves bien identifiables : d'un côté, un petit quart de forts lecteurs réguliers, de l'autre un petit quart de très faibles lecteurs ou non-lecteurs. Au milieu, se dessine une moitié fluctuante de lecteurs instables, qu'on peut à nouveau subdiviser en deux groupes : une grosse majorité d'adolescents de bonne volonté, qui s'apparentent, en pointillé, aux forts lecteurs, et une minorité, qui ont davantage de points communs avec les petits et non-lecteurs.

 

.........Suivant la façon dont on combine ces quatre sous-ensembles, on peut tout dire ! Déplorer qu'un bon cinquantième des jeunes soient brouillés avec l'écrit ou que 40% ne lisent pas ou peu, se rassurer de voir 60% avoir des relations positives avec le livre, et même jubiler que les trois quarts aient des rapports réguliers ou épisodiques avec le livre ! A chacun de décider si le verre est à moitié vide ou à moitié plein. En tout cas, ce n'est pas juin 40, comme le disent des académiciens éclairés. A cette époque d'ailleurs - faut-il le rappeler ? -, plus des trois quarts des Français n'ouvraient pas un livre !

 

Interview de Christian BAUDELOT par Anne FOHR,

« Ils ont désacralisé le livre »,

Le Nouvel Observateur, 4 au 10 mars 1999

 

Document 2.

 

.........Au cours d'une de nos promenades, Anne-Marie s'arrêta comme par hasard devant le kiosque qui se trouve encore à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Soufflot : je vis des images merveilleuses, leurs couleurs criardes me fascinèrent, je les réclamai, je les obtins ; le tour était joué : je voulus avoir toutes les semaines Cri-Cri, l'Épatant, Les Vacances, Les Trois Boys-Scouts de Jean de la Hire et Le Tour du monde en aéroplane, d'Arnould Galopin qui paraissaient en fascicules le jeudi. D'un jeudi à l'autre je pensais à l'Aigle des Andes, à Marcel Dunot, le boxeur aux poings de fer, à Christian l'aviateur beaucoup plus qu'à mes amis Rabelais et Vigny. Ma mère se mit en quête d'ouvrages qui me rendissent à mon enfance : il y eut « les petits livres rosés » d'abord, recueils mensuels de contes de fées puis, peu à peu, Les Enfants du capitaine Grant, Le Dernier des Mohicans, Nicolas Nickleby, Les Cinq Sous de Lavarède. A Jules Verne, trop pondéré, je préférai les extravagances de Paul d'Ivoi. Mais, quel que fût l'auteur, j'adorais les ouvrages de la collection Hetzel, petits théâtres dont la couverture rouge à glands d'or figurait le rideau : la poussière de soleil, sur les tranches, c'était la rampe. Je dois à ces boîtes magiques - et non aux phrases balancées de Chateaubriand - mes premières rencontres avec la Beauté. Quand je les ouvrais j'oubliais tout : était-ce lire ? Non, mais mourir d'extase : de mon abolition naissaient aussitôt des indigènes munis de sagaies, la brousse, un explorateur casqué de blanc. J'étais vision, j'inondais de lumière les belles joues sombres d'Aouda, les favoris de Philéas Fogg. Délivrée d'elle-même enfin, la petite merveille se laissait devenir pur émerveillement. A cinquante centimètres du plancher naissait un bonheur sans maître ni collier, parfait. [...]

 

.........De ces magazines et de ces livres j'ai tiré ma fantasmagorie la plus intime : l'optimisme.

 

Jean-Paul SARTRE,

Les Mots,

Édition Folio Gallimard, 1964.

 

Document 3.1.

 

La lecture ne meurt pas, elle change.

 

.........Enjeu social et politique majeur depuis les grandes réformes de I' « Instruction publique », à la fin du XIXe siècle, la lecture - notamment la lecture des jeunes, vue à la fois comme « instrument de formation » et comme « vecteur de cohésion nationale » - engendre chaque année une masse de statistiques, d'enquêtes et de commentaires aussi abondants qu'alarmistes. Au point que les discours sur la lecture, révélateurs de nos valeurs et de nos craintes, mériteraient d'être considérés un jour comme objets d'études à part entière.

 

.........Les jeunes ne lisent plus, dit-on. La crise serait telle que le livre s'effacerait chaque jour davantage de leur univers quotidien — ce que corroboreraient les statistiques montrant qu'une part croissante d'entre eux entre en sixième sans maîtriser les apprentissages fondamentaux. La situation dépeinte par Christian Baudelot, Marie Cartier et Christine Detrez dans Et pourtant ils lisent... est nettement plus nuancée. Ces trois sociologues ont tiré les leçons d'une enquête menée pendant quatre ans auprès de 1200 élèves de troisième, seconde, première et terminale, suivis tout au long de leurs parcours.

 

.........Premier constat : deux ensembles d'attitudes « extrêmes » peuvent être mis en évidence. Les très faibles et non lecteurs, d'une part, qui représentent environ 22% de la population observée et dont l'importance correspond exactement au groupe des lecteurs forts et réguliers (23%). Deux profils intermédiaires d'autre part : celui des lecteurs intermittents, «moyens forts» et «moyens faibles», rassemblant respectivement 37% et 18% des jeunes étudiés. Ainsi, selon la façon dont on interprète cette typologie en agrégeant ces sous-ensembles, la proportion d'élèves concernés par la lecture varie du simple au triple, d'où la prudence avec laquelle il convient de manier les chiffres.

 

.........Deuxième constat : cette configuration est remarquablement stable depuis dix ans. Elle confirme que le groupe de lecteurs assidus - qui compte près de deux tiers de filles - ne s'est pas érodé depuis le milieu des années 80.

 

.........Troisième constat : lire est cependant devenu un acte ordinaire, dont l'attrait s'est amenuisé — la lecture « ne constitue l'activité préférée d'aucune catégorie d'élève » — et qui ne représente plus une condition sine qua non de la réussite scolaire.

 

.........Conclusion : ce n'est pas à la fin de la lecture que l'on assiste, mais à « la fin de la lecture comme fait culturel total », c'est-à-dire à la remise en cause du modèle littéraire et humaniste où le livre incarne « la source de toutes les connaissances, de toutes les expériences et de tous les divertissements ».

 

F. NOIVILLE RAPHAELLE REROELLE

               Le Monde 19 mars 1999.

 

Document 3.2.

 

 

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