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DOCUMENT 1
Vers une écologie
radicale. Les guérilleros de la cause animale.
Aux États-Unis, les autorités viennent
de mettre en garde les laboratoires pharmaceutiques et les
firmes de biotechnologie contre de probables attaques des
défenseurs des droits des animaux. Le Fédéral
Bureau of Investigation (FBI) qualifie désormais ces écologistes
radicaux d'« écoterroristes ». Au Royaume-Uni, des groupes
clandestins n'hésitent pas à recourir aux attentats
contre l'exploitation de la faune. Huntingdon Life Sciences (HLS), le plus grand laboratoire
d'expérimentation animale d'Europe, est au cœur
d'une véritable bataille mondiale depuis quatre ans.
Pour libérer les animaux sacrifiés, les guérilleros écologistes
cherchent à acculer HLS à la faillite en harcelant
ses actionnaires, ses clients et ses fournisseurs. [...]
Depuis la naissance de l'organisation en 1976, environ
200 activistes ont été emprisonnés pour
des milliers d'actions. L'ALF(1) revendique même plusieurs « martyrs »,
dont l'un, Barry Home, est mort d'une grève de la
faim en prison en novembre 2001, alors qu'il purgeait une
peine de dix-huit ans pour un attentat contre un magasin
de fourrures. Tombé, comme le dit M. Webb, « au
nom de la liberté de ceux qui ne peuvent se défendre
eux-mêmes », les animaux.
La Grande-Bretagne a toujours été en
avance sur la question du droit des animaux. La première
association de défense de la faune et la première
loi contre les mauvais traitements infligés aux animaux sont nées ici dans les années 1820. L'an dernier,
la Société royale de prévention de la
cruauté envers les animaux (RSPCA, fondée en
1840) a collecté 80 millions de livres (2) versés
par quelque 300 000 donateurs.
Le recours à la force par une frange de cette
mouvance, dont les militants sont issus de toutes les classes
sociales, date des années 1960. En 1963, dans le sud
de l'Angleterre, naît l'Association des saboteurs de
chasse (Hunt Saboteurs Association, HSA). « II s'agissait
de s'interposer entre chasseurs et chassés afin de
sauver ces derniers et de pousser Westminster à interdire
la chasse, se souvient M. Weff. En 1973, un petit groupe, autour de Ronnie Lee, commence à incendier les véhicules
des chasseurs. Ils étendent ensuite leur campagne
aux laboratoires de vivisection et aux magasins de fourrures,
et se nomment la Bande de la miséricorde (Band of Mercy) ». Trois ans plus tard, les clandestins
optent pour le signe ALF. « Les
fronts de libération essaimaient alors, en Amérique
latine et en Irlande : ALF estime que l'action violente peut être
légitime à court terme afin d'obtenir la justice.
En Grande-Bretagne, le mouvement pour l'abolition de l'esclavage
et les suffragettes pour la défense des droits des
femmes ont recouru eux aussi à des moyens illégaux.
Diminutif d'Alfred, Alf a le mérite
de compliquer les écoutes téléphoniques ».
Par ses attentats et ses menaces, ALF et ses militants
entendent élever les coûts de sécurité jusqu'à rendre économiquement
non viable l' « exploitation animale ». Plusieurs
centaines d'activistes sont prêts à se mettre
hors-la-loi pour cette cause. Leur palmarès est éloquent
: bris de vitrines de boucheries, attaques de poissonneries
pour sauver les « homards ébouillantés »,
incendies d'abattoirs et de magasins de fourrures, harcèlements
de cirques et de zoos, assauts des fermes de visons par des
commandos cagoulés et libération des captifs
(en dépit des ravages provoqués sur la faune
des environs par l'invasion de prédateurs), mise à sac
de laboratoires de vivisection et des fermes d'élevage,
harcèlement de leur personnel devant leur domicile, caillassages de
leurs fenêtres, dégradation de leurs
véhicules, incendies des camions frigorifiques
d'abattoirs.
Cédric
GOUVERNEUR,
Le Monde diplomatique, août 2004.
(1) Front de libération
des animaux.
(2) Plus de 121 millions d'euros.
DOCUMENT 2
(a)
Préambule de la Déclaration
universelle des Droits de l'animal (1978)
« Considérant
que tout animal possède des droits, [...]
Considérant
que la méconnaissance et le mépris de ces droits
ont conduit et continuent de conduire l'homme à commettre
des crimes envers la nature et envers les animaux,
Considérant que la reconnaissance par l'espèce humaine du droit à l'existence des autres espèces
animales constitue le fondement de la coexistence des espèces
dans le monde,
Considérant
que des génocides sont perpétrés par
l'homme et menacent d'être perpétrés,
Considérant
que le respect des animaux par l'homme est lié au
respect des hommes entre eux,
Considérant
que l'éducation doit apprendre dès l'enfance à observer, comprendre,
respecter et aimer les animaux,
II est proclamé ce qui suit :
Article premier
Tous les animaux naissent égaux
devant la vie et ont les mêmes droits à l'existence... »
Préambule
de la Déclaration universelle des droits de l'animal, Ligue internationale des droits
de l'animal et ligues mondiales affiliées, 1977.
DOCUMENT 2 (b)
Trois questions à ... Jean-Pierre DIGARD.
1- Vous êtes
ethnologue, chercheur au CNRS, auteur de Les Français
et leurs
animaux (Fayard).
Comment expliquez-vous que
les Français
dépensent de plus en plus pour leurs animaux
de compagnie ?
Les animaux de compagnie sont
de plus en plus identifiés à des
substituts de conjoint
ou d'enfant, avec les avantages sans les inconvénients.
C'est une conséquence
extrême de la tendance à l'anthropomorphisme.
En France sur 52 % de foyers
qui possèdent
des animaux de compagnie, près
de 10 % y sont « accros » et cela suffit à créer
un marché qui avoisine les 4,5 milliards d'euros par an.
La société occidentale
valorise à l'excès les animaux de compagnie
tout en repoussant
de plus en plus les animaux d'élevage, destinés à être
tués puis mangés. Chaque crise
grave concernant les animaux d'élevage, comme celle
de la « vache folle »,
s'est traduite par une augmentation des dépenses destinées
aux animaux de compagnie. Leur survalorisation permet de
se déculpabiliser du mauvais traitement que l'on
fait subir aux autres.
Une tendance exploitée à fond
par les publicitaires et les responsables du marketing
des géants de l'alimentation animale. L'injonction à varier
les « menus » des chiens et des chats en
est la triste illustration : elle tend à rendre les
animaux obèses
pour ensuite les amener à consommer des produits allégés
!
2 - Cette tendance à « chouchouter » les
animaux domestiques n'est-elle qu'un
phénomène de mode ?
C'est un phénomène installé dans le
temps. Depuis plusieurs siècles, l 'attention portée
aux animaux familiers est en constante augmentation, avec
parfois des accélérations.
Au XVIe siècle,
après la découverte du Nouveau Monde, les Européens ont importé les animaux mascottes des Amérindiens. Au XIXe, l'urbanisation naissante a accéléré le
phénomène. On assiste, depuis la fin de la deuxième
guerre mondiale, à une nouvelle accélération,
due principalement au recul de la ruralité.
3 - Peut-on s'attendre à des
dérives dans les comportements d'achat ?
On y est depuis longtemps !
Le véritable danger commence dès l'instant
où des propriétaires d'animaux perdent toute capacité de
critique à l'égard de messages publicitaires.
Cela signifie que ces gens
sont aveuglés
par l'amour qu'ils portent à leurs animaux et qu'ils ne perçoivent
plus de limite entre les humains et les autres êtres vivants.
C'est un des symptômes de la crise morale de notre
société.
Propos recueillis
par Céline
OZIEL,
Le Monde, 15 août
2004.
DOCUMENT 3
Un rapport parlementaire
dénonce
le commerce « souvent indigne » des
animaux de compagnie.
L'ANIMAL de compagnie n'est pas seulement une source de réconfort.
Il alimente
aussi un secteur économique lucratif qui représentait,
en 1998, 442 milliards d'euros
de chiffre d'affaires, et dont la rapide expansion s'est
accompagnée, en France, de sérieuses
dérives. Importations frauduleuses, transport dans
des conditions sordides,
vols, trafics de peaux : ces pratiques sont dénoncées
dans un rapport d'information
parlementaire, rendu public mercredi 13 février. Son
auteur, la députée (PS) des
Deux-Sèvres, Geneviève Perrin-Gaillard,
y insiste sur la nécessité de « moraliser » le
commerce « souvent indigne » des animaux de compagnie, fréquemment
victimes « d'intermédiaires douteux rarement
sanctionnés ».
Entre 1996 et 2001, les importations
de chiens et de chats ont progressé de 137,5 %, pour répondre à la
demande des 45 % de foyers français possédant
au moins l'un de
ces animaux. Or, la vente de chiots importés, le plus
souvent d'Europe de l'Est, « est en théorie
interdite du fait de leur jeunesse ou de l'inexécution
totale ou partielle des protocoles
vaccinaux», relève la mission parlementaire. 100
000 chiots non vaccinés
provenant de pays infestés par la rage seraient ainsi
vendus chaque année en France,
par le biais de courtiers fournissant les grandes animaleries, « avec
la complicité d'un
ou de plusieurs vétérinaires payés pour
donner une nouvelle identité à l'animal ». Ces pratiques
conduisent en outre à introduire en France des animaux « trop jeunes,
malades et que leur fragilité voue souvent à une
mort prématurée ».
La mission dénonce
aussi la commercialisation « répugnante » des
peaux de chiens et de chats, parfaitement légale
en France, mais source partielle des quelque 60 000 vols
annuels d'animaux familiers. Sous des appellations fantaisistes
- « gae-wolf », « loup d'Asie », « Mongolia dog
fur », etc. -, ce type de fourrure est utilisé pour
la confection de manteaux ou la fabrication de peluches
et de jouets pour enfants, essentiellement en Asie. Les vols d'animaux domestiques
serviraient également à alimenter
les laboratoires, la mission ayant acquis « la certitude
que des approvisionnements
parallèles subsistent en France et que ce sont aujourd'hui
certains laboratoires
publics, notamment universitaires, qui sont les plus susceptibles
d'avoir recours à ces
pratiques illégales », certes « extrêmement
minoritaires ». Certains restaurants
s'approvisionneraient enfin de cette manière
: on peut ainsi lire dans le rapport comment, « alors
que les disparitions de chats se multipliaient à Fontenay-sous-Bois
(Val-de-Marne), une inspection d'hygiène fortuite
a permis la découverte de plusieurs carcasses de chats en cuisine d'un restaurant
asiatique ».
Alexandre GARCIA,
Le Monde, 15
février
2002
DOCUMENT 4
La mort de Perdita, chat parisien.
Nous savions, hélas,
que ce chat était vieux - nous estimions son âge
aux environs
d'une douzaine d'années - et il avait déjà donné des
signes de fatigue mais nous pensions, bien entendu, que les
choses dureraient encore un certain temps. N'en va-t-il
pas toujours ainsi? nous pensons
pouvoir faire durer les choses... disons... indéfiniment
un certain temps encore !... Cependant il était
devenu gros, ne se déplaçait
plus qu'avec parcimonie, ne manifestant plus aucun désir
de s'aventurer à l'extérieur,
et passant, à vrai dire, le plus clair de son temps
assoupi sur les canapés.
Nous étions obligés - paradoxes de notre attachement à l'animalité...
- de le rationner
sévèrement, de lui imposer un régime
! Il demeurait néanmoins, comme par le
passé, le même accompagnateur attentif et câlin
aux heures privilégiées de la lecture,
de l'écriture, des repas et aussi des quelques films
que nous tentions (parfois le soir
et depuis peu) de visionner, sur l'antique poste de télévision
en noir et blanc que les
parents de Judith nous avaient rapporté de la campagne.
Cependant, très
progressivement, notre petit compagnon commença
de perdre l'appétit,
puis cessa de manger. Judith l'emmena chez le vétérinaire
qui lui administra un laxatif et une piqûre
pour stimuler son appétit. Au retour, il se jeta sur la nourriture et je me souviens nettement d'avoir
eu la tentation de le soustraire à cette fringale immodérée.
Je ne sais ce qui m'arrêta. Toujours est-il que le
soir même,
il présenta les signes d'une affection plus grave
: le poil hérissé, haletant et tremblant, il respirait difficilement. Nous décidâmes
pourtant d'attendre le lendemain, voulant croire à une
indigestion. C'est alors que, sans le savoir, j'eus avec
lui mon dernier contact amical : je le caressai longuement
et en dépit
de sa respiration sifflante, il ronronna encore, clignant doucement
des paupières...
Le lendemain matin, la situation
avait empiré.
Sa respiration était entrecoupée de spasmes. Judith se préparait à le
ramener chez le vétérinaire. J'étais
inquiet et comme je devais descendre pour donner une de mes
leçons
de tennis, je vins saluer le chat. C'est à cet
instant sans doute que j'eus une réelle prémonition
- sans pourtant la considérer
pleinement, par superstition je crois... - Je me penchai
sur lui et le caressant
rapidement je lui dis : « J'espère
te revoir tout de même ! » Puis je sortis. Une fois dans l'ascenseur j'eus une soudaine
impulsion : « Pourquoi
ne l'avais-je pas pris dans mes bras et embrassé ?
Quel idiot j'étais ! » J'eus la velléité de vouloir arrêter
l'ascenseur, or celui-ci avait déjà entamé sa
tranquille (doucereuse) descente vers les étages
inférieurs et je risquais de me mettre en retard.
Lorsque je remontai, deux
heures plus tard, je trouvai Judith prostrée
sur le divan.
« Ça
va ?
- Moi, oui ! Mais le chat est
mort » me
répondit-elle sans oser me regarder.
Mon cœur
s'arrêta. Je restai hébété et
stupide !
Judith me parlait, elle racontait
: la radio, le cancer généralisé,
le conseil du vétérinaire,
la piqûre pour abréger l'agonie, etc.
Mais je n'écoutais
que d'une oreille... - tant j'étais requis intérieurement à fixer sa dernière
image d'il y avait deux heures : comme si j'allais inespérément – en m'accrochant à cette
ultime trace très récente dans ma mémoire,
m'arc-boutant sur elle de toute la force de ma volonté -
pouvoir... je n'aurais su dire... rattraper...tirer... Perdita hors du sombre entonnoir !
Revenant à moi,
je pris Judith dans mes bras et nous sanglotâmes comme deux enfants.
Ce n'était
pourtant qu'un simple chat me direz-vous ! Oui, bien sûr
! Mais n'est-ce
pas précisément la muette fragilité du lien
qui nous rattache à nos compagnons
animaux, qui fait que lorsqu'il se rompt, nous nous sentons
touchés
au plus secret
du cœur ; d'une curieuse façon en vérité,
toute différente mais pas moins vive qu'avec
les humains ? Et puis ce sentiment puissant, soudain, d'être
en prise directe,
sans artifice consolateur, avec la matière même
du néant ! de nous sentir investis
d'une extravagante et dérisoire mission : sauver de
l'immense oubli une mince, évanescente,
identité féline !..
Denis GROZDANOVITCH,
Petit traité de
désinvolture,
Éditions
Corti, 2002.