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1.6. Exemple : une lecture analytique pas à pas.
Voltaire commente la Pensée XXIII de Pascal, selon laquelle les hommes ne resteraient
jamais en repos et renonceraient à "demeurer avec eux-mêmes" seulement pour éviter
de penser au tragique de la destinée humaine.
1 Qu'est-ce qu'un homme qui n'agirait point,
et qui est supposé se contempler?
Non seulement je dis que cet homme serait un imbécile, inutile à la société,
mais je dis que cet homme ne peut exister : car que contemplerait-il ? Son
corps, ses pieds, ses mains, ses cinq sens? Ou il serait un idiot, ou bien il
5 ferait un usage de
tout cela. Resterait-il à contempler sa faculté de penser?
Mais il ne peut contempler cette
faculté qu'en l'exerçant. Ou il ne pensera
pas aux idées qui
lui sont déjà venues, ou il en composera de nouvelles :
or il ne peut avoir d'idées que
du dehors. Le voilà donc nécessairement
occupé ou de ses sens ou de ses idées ;
le voilà donc hors de soi ou
10 imbécile. Encore une fois,
il est impossible à la nature humaine de rester
dans cet engourdissement imaginaire ; il est absurde de le penser ; il est
insencé d'y prétendre.
L'homme est né pour l'action, comme le feu tend en haut et la pierre en bas.
N'être point occupé et
n'exister pas est la même chose pour l'homme. Toute
15 la différence consiste dans les occupations douces ou tumultueuses,
dangereuses ou inutiles.
Voltaire, Lettres philosophiques.Lettres philosophiques 1733 (Cliquez pour texte .html) Extrait de la vingt-cinquième lettre. Sur les pensées de Monsieur Pascal.
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6.2. Démarche de la lecture analytique.
A. Thème du document.
- Le paratexte :
- L'auteur : Voltaire, philosophe du XVIIIéme siècle.
- Le titre donné à cet extrait renseigne sur le thème général, l'homme.
- le titre de la lettre indique les circonstances d'énonciation : Voltaire commente une photo de Pascal.
- La note de début précise la pensée de Pascal ; nous savons donc quel est l'aspect particulier du thème traité l'homme en action.
- Les champs lexicaux:
- de la pensée
en rouge, connotation : l'homme est un être pensant.
-
de l'action
en bleu, s'oppose au verbe " contempler" ( 4 occurences)
-
de la bétise
en vert, associé au verbe" contempler".
Nous voyons donc associés le champs lexical de la bêtise à l'idée de l'homme "supposé se contempler". Ce même champs lexical s'oppose à celui de l'action le propos de Voltaire se précise : il
semble faire l'apologie de l'homme en action.
B. Structure.
- deux paragraphes, reliés par un connecteur exprimant la redondance: "encore une fois…".
- système de questions/réponses.
- abondances de connecteurs logiques : non seulement…mais, car, or, donc.
Les questions miment les propos de Pascal. Voltaire y répond
dans un discours très argumentatif.
C. Enonciation.
- Une partie des informations est contenue dans le paratexte:
- Voltaire commente les Pensées de Pascal mais c'est au lecteur qu'il s'adresse.
- Ce discours est extrait des Lettres philosophiques le titre signale un discours qui tend à faire figure de modèle de pensée, de guide.
- Voltaire argumente d'abord à la 1ère personne :"Je dis" impose son propos avec force. Le référent, "un homme" puis "cet homme" est ensuite désigné par "il" ou "le" le thème se précise. Puis le deuxième paragraphe voit le propos se généraliser avec la tournure impersonnelle "il est" et les formes à l'infinitif "n'être point" et "n'exister pas".
- L'absence d'indices spatio-temporels est aussi porteuse de sens : ce discours a une valeur universelle et intemporelle.
- Le présent et le futur accompagnent le discours fortement affirmatif du premier paragraphe, tandis que le mode conditionnel exprime l'hypothèse attribuée à Pascal. Le deuxième paragraphe qui résume la pensée de Voltaire est au présent de vérité générale. Ces temps verbaux sont ceux d'un discours ancré dans la situation d'énonciation.
- L'alternance de phrases interrogatives et affirmatives courtes dénotent la véhémence du propos, ainsi que les inversions du sujet des lignes 13-14 avec la mise en relief des deux verbes à l'infinitif ils résument de façon lapidaire la pensée de l'auteur.
Ainsi, les indices grammaticaux révèlent-ils un discours très argumentatif, ancré dans la situation d'énonciation, mais ayant en même temps vocation de pensée universelle, énoncée pour les générations futures.
D. La tonalité.
L'ensemble des indices repérés précédemment révèlent une tonalité polémique. Il sera nécessaire de la mettre en valeur dans l'analyse du document car elle est la marque du tempérament de l'auteur et elle éclaire les enjeux du propos.
E. Implicites et référents culturels.
Le débat que Voltaire institue avec Pascal est à fondement philosophique et religieux. Selon que l'on connaît ou non le contexte, le propos peut être compris à deux niveaux :
- le sens explicite : ce qui est dit dans le texte sur la vocation de l'homme à être agissant.
- le sens implicite : il s'agit en fait de deux conceptions de l'homme radicalement différentes. Le janséniste Pascal croit à la prédestination qui fait de l'homme le spectateur d'une existence tragique sur laquelle il n'a aucun pouvoir. Voltaire, qui est déiste, pense au contraire que l'homme n'existe que par l'action.
L'ensemble de ces repérages nous permet maintenant de formuler la problématique du discours de Voltaire :
A quoi l'homme doit-il employer sa vie? A la contemplation passive de soi-même avec l'idée qu'il est impuissant? Ou à l'action qui le rend acteur de sa vie à part entière?
Nous sommes prêts maintenant à reformuler fidèlement les propos de Voltaire dans une analyse qui résume le discours tout en faisant apparaître les articulations et les enjeux majeurs.
Ce travail est l'objet de la séquence suivante.
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