ANALYSER POUR COMMUNIQUER
Chapitre 1. PREMIERE SEQUENCE : Faire la lecture analytique d'un message
1.1. PREAMBULE
1.2. Problématique.
1.3. Pré requis.
1.4. Les étapes de la lecture analytique :
1.5. Situations opérationnelles.
1.6. Exemple : une lecture analytique pas à pas.
Chapitre 2. DEUXIEME SEQUENCE : Rédiger l'analyse d'un message
Chapitre 3. TROISIEME SEQUENCE : Elaborer la synthèse d'un ensemble documentaire.
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1.6. Exemple : une lecture analytique pas à pas.

Voltaire commente la Pensée XXIII de Pascal, selon laquelle les hommes ne resteraient
jamais en repos et renonceraient à "demeurer avec eux-mêmes" seulement pour éviter
de penser au tragique de la destinée humaine.


1   Qu'est-ce qu'un homme qui n'agirait point, et qui est supposé se contempler?
      Non seulement je dis que cet homme serait
un imbécile, inutile à la société,
      mais je dis que cet homme ne peut exister : car que contemplerait-il ? Son
      corps, ses pieds, ses mains, ses cinq sens? Ou il serait un idiot, ou bien il
5   ferait un usage de tout cela. Resterait-il à contempler sa faculté de penser?
      Mais il ne peut contempler cette faculté qu'en l'exerçant. Ou il ne pensera
      pas aux idées qui lui sont déjà venues, ou il en composera de nouvelles :
      or il ne peut avoir d'idées que du dehors. Le voilà donc nécessairement
      occupé
ou de ses sens ou de ses idées ; le voilà donc hors de soi ou
10   imbécile. Encore une fois, il est impossible à la nature humaine de rester
      dans cet engourdissement imaginaire ; il est absurde de le penser ; il est
      insencé
d'y prétendre.
      L'homme est né pour l'action, comme le feu tend en haut et la pierre en bas.
      N'être point occupé et n'exister pas est la même chose pour l'homme. Toute
15  la différence consiste dans les occupations douces ou tumultueuses,
      dangereuses ou inutiles.

Voltaire, Lettres philosophiques.Lettres philosophiques 1733 (Cliquez pour texte .html)
Extrait de la vingt-cinquième lettre. Sur les pensées de Monsieur Pascal.

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6.2. Démarche de la lecture analytique.

 A. Thème du document.
  • Le paratexte :
    • L'auteur : Voltaire, philosophe du XVIIIéme siècle.
    • Le titre donné à cet extrait renseigne sur le thème général, l'homme.
    • le titre de la lettre indique les circonstances d'énonciation : Voltaire commente une photo de Pascal.
    • La note de début précise la pensée de Pascal ; nous savons donc quel est l'aspect particulier du thème traité l'homme en action.
  • Les champs lexicaux:
    • de la pensée en rouge, connotation : l'homme est un être pensant.
    • de l'action en bleu, s'oppose au verbe "contempler" (4 occurences)
    • de la bétise en vert, associé au verbe"contempler".

Nous voyons donc associés le champs lexical de la bêtise à l'idée de l'homme "supposé se contempler". Ce même champs lexical s'oppose à celui de l'action le propos de Voltaire se précise : il semble faire l'apologie de l'homme en action.

B. Structure.

  • deux paragraphes, reliés par un connecteur exprimant la redondance: "encore une fois…".
  • système de questions/réponses.
  • abondances de connecteurs logiques : non seulement…mais, car, or, donc.

Les questions miment les propos de Pascal. Voltaire y répond dans un discours très argumentatif.

C. Enonciation.

  • Une partie des informations est contenue dans le paratexte:
      • Voltaire commente les Pensées de Pascal mais c'est au lecteur qu'il s'adresse.
      • Ce discours est extrait des Lettres philosophiques le titre signale un discours qui tend à faire figure de modèle de pensée, de guide.
  • Voltaire argumente d'abord à la 1ère personne :"Je dis" impose son propos avec force. Le référent, "un homme" puis "cet homme" est ensuite désigné par "il" ou "le" le thème se précise. Puis le deuxième paragraphe voit le propos se généraliser avec la tournure impersonnelle "il est" et les formes à l'infinitif "n'être point" et "n'exister pas".
  • L'absence d'indices spatio-temporels est aussi porteuse de sens : ce discours a une valeur universelle et intemporelle.
  • Le présent et le futur accompagnent le discours fortement affirmatif du premier paragraphe, tandis que le mode conditionnel exprime l'hypothèse attribuée à Pascal. Le deuxième paragraphe qui résume la pensée de Voltaire est au présent de vérité générale. Ces temps verbaux sont ceux d'un discours ancré dans la situation d'énonciation.
  • L'alternance de phrases interrogatives et affirmatives courtes dénotent la véhémence du propos, ainsi que les inversions du sujet des lignes 13-14 avec la mise en relief des deux verbes à l'infinitif ils résument de façon lapidaire la pensée de l'auteur.

Ainsi, les indices grammaticaux révèlent-ils un discours très argumentatif, ancré dans la situation d'énonciation, mais ayant en même temps vocation de pensée universelle, énoncée pour les générations futures.

  • les indices modalisateurs apparaissent dans :
      • le lexique très péjoratif pour désigner l'homme non actif, très affirmatif pour exprimer la thèse défendue "je dis, il ne peut, il est impossible…".
      • les figures d'insistance :
        • anaphore de je dis, ou, le voilà donc, il est.
        • énumération à la ligne 15
      • les antithèses : douces/tumultueuses, dangereuses/inutiles.
      • la comparaison avec les mouvements du feu et de la pierre, pour valider le raisonnement tenu.

    Voltaire est tout entier présent dans un discours qui ne laisse pas de place au doute.

D. La tonalité.

L'ensemble des indices repérés précédemment révèlent une tonalité polémique. Il sera nécessaire de la mettre en valeur dans l'analyse du document car elle est la marque du tempérament de l'auteur et elle éclaire les enjeux du propos.

E. Implicites et référents culturels.

Le débat que Voltaire institue avec Pascal est à fondement philosophique et religieux. Selon que l'on connaît ou non le contexte, le propos peut être compris à deux niveaux :

      • le sens explicite : ce qui est dit dans le texte sur la vocation de l'homme à être agissant.
      • le sens implicite : il s'agit en fait de deux conceptions de l'homme radicalement différentes. Le janséniste Pascal croit à la prédestination qui fait de l'homme le spectateur d'une existence tragique sur laquelle il n'a aucun pouvoir. Voltaire, qui est déiste, pense au contraire que l'homme n'existe que par l'action.

L'ensemble de ces repérages nous permet maintenant de formuler la problématique du discours de Voltaire :

A quoi l'homme doit-il employer sa vie? A la contemplation passive de soi-même avec l'idée qu'il est impuissant? Ou à l'action qui le rend acteur de sa vie à part entière?

Nous sommes prêts maintenant à reformuler fidèlement les propos de Voltaire dans une analyse qui résume le discours tout en faisant apparaître les articulations et les enjeux majeurs.  

Ce travail est l'objet de la séquence suivante.

 

 

 

 

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