L'homme selon voltaire. 

 

Voltaire commente la Pensée XXIII de Pascal, selon laquelle les hommes ne resteraient jamais

 en repos et renonceraient à "demeurer avec eux-mêmes" seulement pour éviter de penser au

 tragique de la destinée humaine.          

           

1          Qu'est-ce qu'un homme qui n'agirait point, et qui est supposé se contempler?

Non seulement je dis que cet homme serait imbécile, inutile à la société, mais je

dis que cet homme ne peut exister : car que contemplerait-il? Son corps, ses pieds,

ses mains, ses cinq sens? Ou il serait idiot, ou bien il ferait usage de tout cela.

5    Resterait-il à contempler sa faculté de penser? Mais il ne peut contempler

cette faculté qu'en l'exerçant. Ou il ne pensera à rien, ou bien il pensera aux idées

qui lui sont déjà venues, ou il en composera de nouvelles : or il ne peut avoir  

d'idées que du dehors. Le voilà donc nécessairement occupé ou de ses sens ou de

ses idées ; le voilà donc hors de soi ou imbécile.

10  Encore une fois, il est impossible à la nature humaine de rester dans cet

engourdissement imaginaire ; il est  absurde de le penser ; il est insensé d'y

prétendre. 

      L'homme est né pour l'action, comme le feu tend en haut et la pierre en bas. N'être point

occupé et n'exister pas est la même chose pour l'homme. Toute la différence consiste

15  dans les occupations douces ou tumultueuses, dangereuses ou inutiles.

 

                                   Voltaire, Lettres philosophiques. 1733

                                   Extrait de la vingt-cinquième lettre. Sur les pensées de Monsieur Pascal.

 

 

     Retour à : 1.6.1.  Document à analyser.