TD 1 : Le cadre des institutions françaises
Chapitre 1. La démocratie
Chapitre 2. La notion d'Etat
2.1. Article
2.2. Questions
2.3. Question de synthèse
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2.1. Article

«  Manque d’Etat » (extraits)

Chaque année, les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence ... réunissent , au début du mois de juillet, économistes de renom, représentants d’institutions financières internationales et chefs de grandes entreprises…

Mais le Cercle des économistes, organisateur de cet événement académico-mondain, avait aussi réuni des panels de juristes et de chercheurs en sciences politiques pour s’interroger sur les rapports, parfois délicats entre magistrats, institutions politiques et acteurs économiques, un sujet qui n’est pas indifférent à l’heure où le serpent de mer de la «  régulation financière » semble progresser plus vite dans les cours de justice pénale que dans le hémicycles...

Brandissant la constitution américaine, Stephen Breyer, membre de cour Suprême de Washington, a ainsi rendu clair l’apport de la loi au débat économique par le simple exposé des raisons de son approbation, le 29 juin, de la loi sur l’assurance- maladie obligatoire présentée par le président Obama. Il n’a tout d’abord pas nié qu’il puisse y avoir contradiction entre les libertés fondamentales des personnes physiques –la vie, la liberté- et les libertés fondamentales des personnes morales- la propriété. Lorsqu’il s’agit de considérer une décision du législateur suspecte de limiter une de ces libertés, le juge, poursuit-il, ne peut considérer d’un même œil l’atteinte à la liberté individuelle ou à la vie, et l’atteinte à la propriété. Le but ultime de la Constitution est la démocratie*, c'est-à-dire l’égalité entre les  membres de la société pour éviter que les uns-individus, Etat et groupes d’intérêt-ne dominent les autres. En la matière, conclut-il, la nécessité de l’égalité d’accès au droit fondamental-la santé- l’emportait sur le droit de propriété- le choix de s’assurer individuellement, sans contribuer à la solidarité nationale.

Jeffrey Frieden, professeur d’administration publique à Harvard aux Etats-Unis, soulignait pour sa part qu’il existe en Occident plus de consensus que de divergence sur le rôle de l’Etat* : celui-ci doit assurer les services publics, la protection sociale et la régulation du marché. Le problème, dit-il, est plutôt que les  citoyens ont perdu confiance dans les institutions démocratiques censées effectuer ses missions, car elles ont été capturées par les intérêts particuliers ou catégoriels, l’Etat ne protège pas les plus faibles, mais ceux qui savent bénéficier de ses largesses. Ainsi, chacun souhaite bénéficier d’une bonne retraite, mais la réforme est dictée par les lobbies des retraités et des assureurs ; chacun souhaite être défendu, mais les programmes de défense sont déterminés par l’industrie militaire etc.. Même une politique publique ciblant les pauvres afin de corriger les inégalités, … présente un risque de capture sociale et de refus de la solidarité par les plus riches, comme ce fut le cas dans l’éducation et la santé aux Etats –Unis. Les groupes d’intérêts sont devenus plus forts que les institutions représentatives* de la majorité….

…. Lorsque l’Etat, endetté et morcelé, est appelé au secours pour corriger les effets économiques et sociaux d’une défaillance de marché aussi grave que la crise financière, il ne le fait que tardivement, lorsque le coût du règlement de la crise est le plus élevé… ce qui augmente encore son endettement.
Comment faire sortir l’Etat de cette spirale et libérer l’action publique des intérêts particuliers ?...

Avant le débat opposait la liberté individuelle et l’impôt, et portait sur l’équilibre optimal à atteindre entre ces deux facteurs. Aujourd’hui, il est de savoir comment l’Etat peut contribuer …à l’individualisme. Après presque 20 ans de réformes, observe M.Lund, la Suède, a à la fois le plus fort taux d’imposition en Europe et le plus fort taux d’innovation- ce qui montre bien que, contrairement à ce que l’on entend dans nos débats hexagonaux, les deux ne sont pas incompatibles…

Plus que par la charge fiscale ou l’intervention budgétaire, le rôle de l’Etat dans la dynamique économique, poursuit M.Lund, est déterminé par sa capacité à prévoir et à intervenir, nourrie par une interaction continue avec la société civile. Comme le dit Jocelyne Bougon : «  plus que la confiance des marchés, c’est la confiance des peuples que les Etats doivent gagner ; plus que le déficit budgétaire, c’est le déficit de réflexion sur nos institutions qu’il faut combler. »

 

Antoine Reverchon - Le Monde -17 juillet 2012)

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