TD 1 : Le cadre des institutions françaises
Chapitre 1. La démocratie
1.1. Sujet 1
1.2. Sujet 2
1.2.1. Article
1.2.2. Questions
1.2.3. Question de synthèse
Chapitre 2. La notion d'Etat
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1.2.1. Article

« La démocratie au hasard »

Le vote est un moment très particulier de la vie citoyenne : dans l’idéal républicain, il est le moment où l’individu, libre et rationnel se prononce sur l’intérêt général. Et l’agrégation de ces choix rationnels est supposée produire un résultat lui-même rationnel, à savoir un chef de l’Etat et un Parlement légitimes, représentant fidèlement les préférences politiques et les intérêts des citoyens.

Voilà pour la théorie. Mais la science politique a beaucoup de choses à dire à ce sujet. Tout d’abord, pour expliquer les choix des électeurs, la rationalité ne suffit pas, il faut en réalité tenir compte des puissants déterminants sociaux (l’origine sociale, l’appartenance religieuses, les trajectoires professionnelles, les conditions de vie.)Voire psychologiques et émotionnels (sensibilité à la dramaturgie spécifique de chaque élection, à l’apparence physique des candidats, ou même à leur accent ou à la couleur de leurs lunettes…

Ensuite le mode de scrutin, uninominal, introduit un hiatus entre nos orientations politiques, souvent complexes et nuancées, et la façon dont nous sommes contraints de les exprimer, en ne choisissant qu’un seul candidat et en rejetant tous les autres. Cela produit un certain nombre d’artefacts, autrement dit d’effets politiques non désirés, mais causés seulement par le mode de scrutin , comme le fameux « vote utile ». Le scrutin uninominal est donc loin d’être la panacée, et les chercheurs  qui s’intéressent à la « théorie du vote » multiplient depuis une dizaine d’années les expérimentations de modes de scrutin alternatifs, reposant par exemple sur l’attribution de notes aux candidats ou sur la possibilité d’approuver ou de rejeter plusieurs candidats...

Cela dit, pour intéressantes qu’elles soient, ces expérimentations ne résolvent pas tout. Il n’y a en effet aucune raison que le vote, quelle que soit la façon dont il est organisé garantisse mécaniquement l’obtention d’une représentation politique véritablement «  représentative » au sens statistique, de la population : en France, il n’y a que 18,5% de femmes parmi les députés, pis encore, les employés et les ouvriers constituent plus de la moitié de la population active, mais seulement…1% des députés !

Le vote est–il l’horizon indépassable de la démocratie politique ?

Pas forcément. Là aussi, les recherches et les expérimentations se multiplient, autour en particulier d’une voie alternative, celle .. du tirage au sort ! L’idée n’est pas nouvelle, elle était même au fondement de la vie politique athénienne.

Aujourd’hui encore, en matière judiciaire, nous acceptons l’idée que les verdicts soient rendus par des jurys populaires tirés au sort, sans que quiconque songe à contester la légitimité ni la compétence…

En France, l’idée progresse aussi, certes timidement, mais à gauche comme à droite : ainsi les Verts de Metz viennent de désigner leurs candidats aux prochaines législatives par tirage au sort ; et la Fondation pour l’innovation politique, le think tank  proche de l’UMP, propose de désigner de la même façon 10% des conseillers municipaux dans les villes de plus de 3500 habitants. Alors, comment disent les Québécois, vive la « lotocratie ».

 

Pierre Mercklé -Le Monde -28 avril 2012

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