TD 1 : Le cadre des institutions françaises
Chapitre 1. La démocratie
1.1. Sujet 1
1.1.1. Article
1.1.2. Questions
1.1.3. Questions de synthèse
1.2. Sujet 2
Chapitre 2. La notion d'Etat
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1.1.1. Article

«  Et si on réinventait la démocratie ? »

«  Le défi de s’améliorer sans cesse. »
Guy Carcassonne
Juriste, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris Ouest Nanterre-La-Défense

Quelles réformes (y compris utopiques) faudrait-il mettre en œuvre pour bâtir une démocratie idéale, à l’échelle locale, nationale, et même internationale ?

Démocratie idéale ? Il y a contradiction dans les termes. C’est la grandeur même le bonheur, de la démocratie, que de rejeter l’absolu, d’organiser le relatif, de ménager le compromis. Seules des dictatures se présentent comme idéales, dramatiquement. Le défi quotidien des démocraties est de s’améliorer sans cesse, mais en assumant le fait qu’elles ne seront jamais parfaites. S’il y avait un système constitutionnel impeccable, tous les pays l’auraient adopté.

Ce n’est pas le cas. Mais si la meilleure constitution ne suffira jamais à faire le bonheur d’un pays, une mauvaise peut suffire à faire son malheur. Alors restons-en à quelques évidences : il y a des modèles qui fonctionnent et d’autres non.

Selon moi, ceux qui fonctionnent le mieux sont ceux qui réunissent directement trois caractéristiques. Premièrement, les gouvernés choisissent eux-mêmes les gouvernants, ce qui suppose que des élections législatives se traduisent directement en termes d’attribution du pouvoir gouvernemental, ce qui implique que le mode de scrutin permette aux électeurs de déterminer eux-mêmes la majorité. Deuxièmement les gouvernants ont effectivement les moyens de gouverner, ce qui suppose qu’ils soient assurés de leur durée et des moyens d’agir, ce qui implique le soutien d’une majorité stable et disciplinée. Troisièmement, les gouvernants sont responsables devant les  gouvernés, ce qui suppose, d’une part, des contrôles permanents et publics, d’autre part, l’existence d’une alternative de sorte que les électeurs puissent librement décider de reconduire les mêmes ou qu’ils disposent, dans le cas contraire, d’une solution de remplacement accessible et crédible. Ajoutez à cela le besoin d’amortisseurs de crise et vous aurez compris que le mieux est le régime parlementaire moderne.*

Ces trois caractéristiques, en France, on les trouve pour la commune, la région et la nation, pas pour le département, hélas. Mais on ne les trouve pas encore au niveau européen, ni , moins encore , au niveau mondial.

Et puisqu’on a le droit à l’utopie, un mot sur l’Union européenne. Il lui manque une identité démocratique substantielle, alors que l’on pourrait la créer. Il faudrait pour cela organiser les élections au Parlement européen sur une base transnationale : que les électeurs d’aucun pays ne votent seuls. Il suffirait de découper le territoire de l’Europe en une dizaine de circonscriptions élisant chacune 82 députés en moyenne ; l’une pourrait aller, par exemple, de la Catalogne à la Lombardie en englobant le Languedoc-Roussilon et Provence-Alpes- Côtes d’Azur, une autre pourrait couvrir le Danemark, le nord du Royaume-Uni, l’Irlande, le nord des Pays-Bas, le nord-ouest de l’Allemagne et ainsi de suite. Les listes seraient celles des partis, ainsi contraints à conclure des alliances transnationales. Les électeurs se prononceraient sur cette offre, et partant, sur des enjeux réellement communautaires et ne pourraient plus le faire, même s’ils le voulaient, en fonction de leurs seules humeurs nationales. On aurait ainsi, enfin un vrai Parlement, vraiment européen, vraiment structuré en termes politiques.

Que faudrait-il faire à plus court terme pour accroître la représentativité de nos élus ?

D’abord, il serait urgent d’envisager l’adoption du mode de scrutin génial, inventé par Michel Balinski et Rida Laraki, qui consiste à noter et à classer les candidats plutôt que de faire un choix éliminatoire.. . Il conduit l’électeur à donner une opinion sur tous les candidats plutôt qu’à se contenter de glisser dans l’urne le nom de l’un d’entre eux. …

Ensuite, on pourrait bien sûr supprimer la présidentielle. Je ne serais pas hostile à l’idée, mais je doute que les français le veuillent. En revanche, il serait temps de mettre fin au parrainage des élus pour autoriser les candidatures. Grâce à internet, on pourrait n’ouvrir la candidature qu’à ceux qui auront recueilli les signatures d’un nombre significatif d’électeurs, par exemple 750 000 ou un million. Tous ceux qui représentent quelque chose les réuniraient sans difficulté. En 2007, sur 12 candidats, 7 ont obtenu moins de 2% et ce ne sont pas ceux que l’on le moins entendus ! Laissons donc les Français eux-mêmes décider qui doit concourir.

Afin de réformer les élections législatives, l’évidence serait de créer une soixantaine de sièges à la proportionnelle,  de sorte que tous les mouvements un tant soit peu représentatifs soient présents à l’Assemblée. …

Pour les législatives encore, il faudrait en premier lieu limiter à deux les candidats au second tour, pour que le Front national perde enfin le pouvoir de prendre en otages des dizaines de circonscriptions. En second lieu, le mécanisme actuel de sanction pour les partis qui ne font pas les efforts nécessaires en matière de parité est insuffisant. Il y aurait pourtant, là  aussi, un moyen simple de les faire changer d’attitude : aujourd’hui, ils sont privés d’une partie de leur subvention, il suffit de décider que ces sommes, au lieu de revenir au budget, seront réparties entre les formations qui appliquent la loi....

Supprimer le cumul des mandats serait une autre évidence dans ce contexte. Au passage, la Constitution devrait être révisée pour prévoir une loi organique sur le statut des ministres, laquelle leur interdirait naturellement de conserver des fonctions locales (et d’être trésorier d’un parti politique..)

 

Alternatives économiques- Hors-série poche n°49 avril 2011

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