Électrotechnique

 

xxModule 5 : xx "Machine synchrone "
Chapitre 5.3

 

Exploitation

1 Excitation des machines synchrones

Le rotor de la machine synchrone doit être alimenté par un courant continu réglable. Pour les machines de forte puissance, ce courant Ie peut atteindre plusieurs centaines d'ampères; comme il est difficile de commander directement un courant d'une telle intensité, l'excitation est obtenue à partir d'un dispositif à plusieurs étages.

1.1 Utilisation d'une excitatrice

Le dispositif le plus fréquemment utilisé est une génératrice à courant continu, appelée excitatrice, montée sur l'arbre de la machine synchrone. L'induit de la machine est relié aux balais frottant sur les bagues d'alimentation du rotor de la machine synchrone.

Pour les machines de puissance moyenne, l'excitatrice est montée en excitation dérivation et le courant d'excitation Ie est réglé par le rhéostat d'excitation de l'excitatrice.

Pour les machines de plus forte puissance, on utilise deux machines excitatrices montées en cascade. L'excitatrice principale Exp alimente le rotor de la machine synchrone et sa propre excitation est fournie par l'induit de l'excitatrice secondaire Exs. Le réglage du courant Ie se fait par le circuit d'excitation de Exs dont les organes de réglage travaillent sous une faible puissance.

Par exemple un alternateur 10 kV ; 245 A ; 42,5 MVA a un circuit d'excitation alimenté par Ie = 750 A sous

Ve = 120 V, soit une puissance nominale d'excitation de 90 kW. L'excitatrice principale fournit de 750 à

1 200 A sous une tension de 120 à 190 V; son inducteur est alimenté sous 120 V avec une intensité de 20 A. L'excitatrice secondaire fournit sous 120 V un courant de 20 à 50 A soit une puissance de 6 kW seulement.

1.2 Excitation par "diodes tournantes"

Pour les fortes puissances, la fourniture d'un courant élevé par les balais et les bagues est difficile

à réaliser; il est possible d'améliorer le dispositif d'excitation en utilisant le dispositif de la fig.1 :

Les induits des machines sont représentés en hachuré et les inducteurs en quadrillé.

L'excitatrice secondaire Exs est un alternateur triphasé excité par des aimants permanents au rotor. L'excitatrice principale Exp est un autre alternateur triphasé dont le stator est l'inducteur. Son excitation  est réglée par le redresseur à thyristors placé entre Exs et Exp. L'induit de Exp alimente un redresseur à diodes PD3 solidaire du rotor de la machine synchrone, d'où le nom de diodes tournantes donné à ce redresseur. Ce dispositif permet d'éviter l'utilisation de bagues et de balais.

2 Rendement des machines synchrones

2.1 Bilan des pertes

Comme dans les machines continues, les pertes se décomposent en :

pertes dans le fEr

le stator de la machine est soumis au champ tournant résultant de la composition des ampères-tours du stator et du rotor; le champ en chaque point varie à la fréquence f et crée des pertes par hystérésis et par courants de Foucault. Le calcul de ces pertes est complexe en raison des flux de fuites, de la forme des dents et des encoches, de la présence d'harmoniques. La formule empirique pfer = a.(f 1,5).(Bmax2,2) donne une assez bonne approximation de ces pertes.

pertes mécaniques

elles se décomposent en pertes par ventilation proportionnelles au carré de la vitesse et en pertes par frottements proportionnelles à la vitesse.

pertes par effet Joule dans l'induit

pour une machine triphasée parcourue par un courant d'intensité I en ligne et J par phase, ces pertes sont

pjs = 3.R.J² = 3.Rapp.I² / 2 en utilisant la résistance R d'une phase ou la résistance Rapp entre bornes de ligne. En réalité le calcul est plus complexe surtout dans les machines de forte puissance; les barres d'induit de forte section sont soumises à l'effet de peau qui modifie la résistance; la répartition du flux dans les encoches n'est pas uniforme, induisant des f.é.m. parasites créant des courants de circulation dans les barres.

pertes par effet Joule dans l'inducteur

aux pertes dans l'inducteur pjr = Re.Ie², il faut ajouter les pertes dans les organes de réglage;

par exemple lorsque l'inducteur est alimenté par une excitatrice de rendement hex ,

les pertes sont pex = pjr / hex .

Pertes supplémentaires

ces pertes prennent en compte tous les phénomènes parasites que l'on ne sait pas modéliser.

 
2.2 Rendement

Pour un fonctionnement en alternateur, le rendement est pour une machine en excitation indépendante :

lorsque la machine est excitée par une ou des excitatrices sur l'arbre, les pertes d'excitation sont incluses dans la puissance mécanique.

Pour un fonctionnement en moteur, le rendement est pour une excitation indépendante :

 et  pour une machine alimentée par des excitatrices :

 

Comme pour la machine à courant continu, nous pouvons définir le rendement approché en calculant la puissance électrique P = Ö3.U.I.cos j puis en déduisant la puissance mécanique par addition ou soustraction des pertes mesurables et calculables; ce rendement ne prend pas en compte les pertes supplémentaires.

 
2.3 Mesure du rendement

Nous excluons la mesure directe impossible à réaliser pour les machines de forte puissance et peu précise dans tous les cas. Nous ferons une mesure indirecte pour déterminer le rendement en un point de fonctionnement en moteur ou en générateur, avec les grandeurs électriques U, I, j et Ie à la vitesse n.

Méthode des pertes séparées

La machine synchrone est entraînée par un moteur à courant continu taré, c'est à dire dont on connaît le rendement. On effectue trois essais :

v     un essai rotor et stator en circuit ouvert : la puissance fournie par le moteur continu est égale aux pertes mécaniques; cet essai doit être effectué à la vitesse n.

v     un essai en alternateur à vide : la puissance fournie par le moteur continu est la somme des pertes mécaniques et des pertes dans le fer. Pour avoir les pertes mécaniques du fonctionnement en charge, on doit avoir la vitesse n. Pour avoir les pertes dans le fer du fonctionnement en charge, nous devons avoir le même flux; le courant d'excitation sera réglé à Ie si on utilise le modèle linéaire ou de préférence à Iec , courant équivalent de la méthode de Potier.

v     un essai en alternateur en court-circuit : la f.é.m. en court-circuit étant faible, les pertes dans le fer sont négligeables; la puissance fournie par le moteur continu est la somme des pertes mécaniques et des pertes par effet Joule au stator.

Ces trois essais permettent de déterminer séparément les pertes mécaniques, dans le fer et par effet Joule dans l'induit. Les pertes d'excitation sont calculées.

Cette méthode est simple à mettre en œuvre mais a l'inconvénient de mesurer les pertes dans des essais indirects, c'est à dire dans des conditions différentes de la marche en charge.

Méthode du moteur à vide

On fait fonctionner la machine en moteur à vide et en excitation indépendante; la puissance absorbée par l'induit est la somme des pertes mécaniques, dans le fer et par effet Joule. La vitesse est n, le courant d'excitation est réglé comme dans la méthode précédente pour avoir les pertes mécaniques et fer de l'essai en charge; leur somme est égale à la puissance absorbée diminuée des pertes par effet Joule à vide.

Les pertes d'excitation et par effet Joule en charge sont calculées.

3 Couplage sur le réseau

Nous considérons un réseau triphasé équilibré direct pouvant fournir une puissance très grande devant  la puissance nominale de la machine synchrone. Nous voulons faire fonctionner la machine synchrone sur ce réseau; lorsque le branchement sera effectué, le réseau imposera sa tension en ligne ur et sa fréquence fr . La vitesse de la machine proportionnelle à la fréquence sera donc imposée par le réseau.

 
3.1 Conditions de couplage

 

 

 

 

 

 

La machine synchrone MS est entraînée à la vitesse n, excitée par le courant Ie . Réseau et machine formant deux sources de tension, on ne peut les connecter sans précautions. L'interrupteur de couplage K étant ouvert, nous ne pouvons le fermer que si les tensions en ligne u pour MS et ur pour le réseau sont égales simultanément sur les trois phases. Cette égalité des valeurs instantanées suppose pour une phase :

Ø      l'égalité des fréquences : la machine synchrone doit être entraînée à la vitesse n = 60.fr/ p.

Ø      l'égalité des valeurs efficaces : la tension d'induit U est proportionnelle à la f.é.m par phase E;

(U = E.Ö3 en étoile et U = E en triangle); l'égalité U = Ur sera donc obtenue par réglage du courant inducteur.

Ø      l'égalité des phases : la phase de U, liée à celle de E est fonction de la position du rotor; la fermeture de K doit se faire à l'égalité des phases, c'est à dire lorsque le rotor est en quadrature avec l'axe d'une phase.

L'égalité étant obtenue sur une phase d'un système équilibré, elle le sera simultanément si l'ordre des phases (direct ou inverse) est le même pour le réseau et pour MS. L'ordre des phases de MS peut être changé soit en inversant le sens de rotation soit en permutant deux phases.

La fermeture de K suppose donc de réaliser simultanément quatre conditions

3.2 Réalisation du couplage

Pour vérifier que les conditions sont satisfaites, nous pouvons placer trois lampes, chacune étant en parallèle sur une lame de l'interrupteur triphasé. La tension aux bornes de chaque lampe est u - ur. Déterminons la tension aux bornes de chaque lampe; nous avons deux cas :


 

Ø      le réseau et la machine synchrone fournissent des systèmes triphasés de même ordre, par exemple directs ( fig.3.a). Les deux systèmes ont la même valeur efficace mais des fréquences différentes.

Le déphasage a = ( ur1 , u1) est égal à 2.p.( f - fr ) t. Les tensions uL aux bornes des trois lampes ont la même valeur efficace variant entre 0 et 2.U et la fréquence de battement fb = | f - fr |. Les trois lampes s'allument et s'éteignent simultanément à cette fréquence; nous dirons que nous avons un feu battant.

Le couplage est autorisé; nous ajustons la vitesse n de MS pour avoir un battement lent ( période de l'ordre de la seconde) pour égaliser les fréquences. Nous devons fermer K lorsque les tensions sont en phase donc lorsque les lampes sont éteintes.

Ø      le réseau est direct et MS fournit des tensions d'ordre inverse ( fig.3.b). Les tensions aux bornes des trois lampes sont différentes, les lampes s'éteignent successivement; nous dirons que nous avons un feu tournant. Le couplage n'est pas autorisé.

Cette méthode donne des résultats satisfaisants pour les machines de faible puissance pour lesquelles nous sommes peu exigeants sur la réalisation exacte des conditions de couplage. Pour les machines de forte puissance elle est trop imprécise; en effet les lampes sont éteintes pour une tension comprise entre 0 et

20 % de la tension nominale, il est donc difficile de repérer l'instant exact de couplage où uL est nulle. Nous pouvons améliorer la précision : après avoir obtenu un feu battant, nous permutons les liaisons de L2 et L3 au réseau; nous avons uL1 = u1 - ur1 ;  uL2 = u2 - ur3 ;  uL3 = u3 - ur3 ;  nous obtenons un feu tournant. Nous devons coupler lorsque u1 = ur1 donc lorsque L1 est éteinte; la fig.3.b nous montre qu'à cet instant

uL2 = uL3. Nous fermons donc K lorsque L1 est éteinte et lorsque L2 et L3 ont le même éclairement.

Pour les machines de très fortes puissances, cette méthode est encore trop imprécise; nous devons utiliser un synchroscope qui mesure précisément le déphasage (u , ur ).

 
3.3 Régime transitoire de couplage

Si les conditions de couplage étaient parfaitement réalisées, la fermeture de K ne produirait aucun changement dans le fonctionnement, en particulier le courant de MS resterait nul. Envisageons l'effet d'un écart entre les tensions du réseau et de la machine synchrone. Nous utilisons le modèle simplifié.

Ø      considérons d'abord que les phases sont égales mais les valeurs efficaces différentes.

Avant le couplage, la tension simple de MS est égale à la f.é.m. E. Au moment du couplage, le diagramme vectoriel est représenté fig.4. Après couplage V = Vr ; la différence entre V et E représentée par O'A est égale à Xs.J. L'inégalité des tensions au moment du couplage  crée un courant d'induit J qui peut être suffisamment élevé pour faire disjoncter les protections. L'axe du rotor reste en quadrature avec la f.é.m. donc il n'y a pas de régime transitoire mécanique.

Ø      considérons maintenant que les valeurs efficaces sont égales mais les phases différentes.

Au moment du couplage, le diagramme vectoriel est celui de la fig.5. Le déphasage crée un courant tel que Xs.J soit représenté par AO'. On a donc un régime transitoire électrique comme précédemment. L'angle interne q = (e , vr ) crée un couple synchronisant qui tend à amener le champ rotor en quadrature avec la tension. Il y a donc un régime transitoire mécanique qui va créer des oscillations du rotor; la cage d'amortisseurs Leblanc intervient pour limiter ces oscillations.

Réglage du point de fonctionnement

Le couplage étant réalisé, quels réglages doit-on faire pour amener la machine en un point de fonctionnement donné en alternateur ou en moteur ? Utilisons le modèle linéaire simplifié pour répondre.

Les conditions de couplage étant parfaitement réalisées, au moment du couplage, nous avons V = E = Vr représenté par OO'.

è Si nous voulons faire fonctionner la machine en alternateur au point A'g avec les puissances fournies : puissance active Pg correspondant à l'équipuissance Dpg et puissance réactive représentée par O'Kg .

Aux pertes près, Pg est égale à la puissance mécanique fournie à la machine sur l'arbre. Si nous augmentons cette puissance en agissant sur le dispositif d'entraînement, tout en maintenant constant le courant d'excitation, le point de fonctionnement décrit l'arc de cercle O'Ag de centre O.

En maintenant le couple moteur constant et en faisant varier le courant d'excitation, nous décrivons l'équipuissance de Ag en A'g .

è Si nous voulons faire fonctionner la machine en moteur au point A'm, la méthode est la même : à courant d'excitation constant, l'augmentation du couple résistant fait décrire au point de fonctionnement l'arc de cercle O'Am . La puissance voulue, correspondant à l'équi-puissance Dpm étant atteinte, la diminution du courant d'excitation fait décrire AmA'm pour arriver au point de fonctionnement.

Lorsqu'une machine synchrone est couplée sur un réseau imposant sa

tension et sa fréquence, les réglages de puissance active et réactive

sont indépendants. La puissance active se règle par le couple exercé

sur l'arbre et la puissance réactive par le courant d'excitation.

4 Démarrage du moteur synchrone

Le moteur synchrone étant à l'arrêt, son couple est nul; nous devons amener la machine à sa vitesse de synchronisme pour obtenir un couple. 

 
4.1 Démarrage par moteur auxiliaire

Un moteur à courant continu de faible puissance est accouplé sur l'arbre de la machine synchrone. Cette dernière étant déconnectée du réseau, nous l'entraînons à vitesse nominale par la machine continue puis nous couplons le moteur synchrone sur le réseau. Nous pouvons alors déconnecter la machine continue. Pour limiter la puissance du moteur auxiliaire, le démarrage se fait à vide.

 
4.2 Démarrage en moteur asynchrone

La masse du rotor et les amortisseurs Leblanc forment l'équivalent d'un rotor de machine asynchrone; or un moteur asynchrone possède un couple au démarrage non nul.

Nous pouvons utiliser ce fonctionnement pour démarrer la machine synchrone moyennant quelques précautions :

Ø      le couple étant faible, nous devons démarrer à vide

Ø      le courant de démarrage de la machine asynchrone est élevé; nous devons le limiter en augmentant progressivement la tension d'alimentation du stator.

Ø      durant le démarrage, le rotor tourne à une vitesse inférieure à celle du champ tournant stator; il est donc le siège d'une f.é.m. induite. Si nous laissons le rotor en circuit ouvert, nous risquons de claquer l'isolement du bobinage en le soumettant à une tension trop grande. Durant le démarrage, le rotor sera mis en court-circuit.

Le fonctionnement en moteur asynchrone amène la machine à une vitesse légèrement inférieure à la vitesse de synchronisme; nous pouvons alors ouvrir le rotor puis l'alimenter par le courant continu d'excitation. Le couple qui en résulte est suffisant pour synchroniser le rotor avec le champ tournant.

5 compensateur synchrone

  La machine synchrone peut fonctionner en moteur en absorbant ou en fournissant de la puissance réactive. Si le moteur fonctionne à vide, la puissance active égale aux pertes est faible. Partant d'un courant nul (E = V) l'augmentation du courant d'excitation (surexcitation) rend la puissance réactive négative. La machine fonctionne avec un facteur de puissance voisin de -90° et se comporte donc, vu du réseau, comme une batterie de condensateurs triphasés. On peut utiliser ce fonctionnement pour relever le facteur de puissance du réseau; nous dirons que le moteur fonctionne en compensateur synchrone.

Le compensateur synchrone peut remplacer une batterie de condensateurs; l'avantage de la machine synchrone est d'être équivalent à des capacités élevées et variables avec le courant d'excitation.