Électronique de puissance

 

xxxxxxModule 2 : xxxxxxx "Principes et Méthodes "
Chapitre 2.1

 

Principes de conversion

1 Convertisseurs d'énergie

1.1 Rôles des convertisseurs

Les sources disponibles pour alimenter des charges électriques telles que résistances de chauffage, lampes, moteurs continus et alternatifs, bacs à électrolyse … sont le réseau électrique à tension et fréquence fixes ou des batteries d'accumulateurs à tension continue fixe. La commande des charges nécessite soit :

Ø      le réglage du débit d'énergie entre la source et la charge afin d'assurer le contrôle du processus : variation de température d'un four, de la vitesse d'un moteur … Ø      la transformation ou conversion de l'énergie pour adapter la source à la charge : alimentation d'une charge continue à partir d'un réseau alternatif, création d'un réseau alternatif à fréquence variable…Dans la majorité des cas, on devra assurer simultanément les deux fonctions.

Les systèmes permettant ces types de commandes sont appelés convertisseurs d'énergie.  

1.2 Principes de conversion

Les puissances mises en jeu dans les convertisseurs imposent de proscrire tout système dissipant une fraction importante de l'énergie convertie; par exemple le réglage du courant dans une charge par un rhéostat ou un potentiomètre ne peut être utilisé pour des puissances supérieures à 1 kW.

On doit également proscrire le plus souvent les moyens de conversion ou de réglage dynamique tels que les convertisseurs tournants ou les alternostats.

Le développement des composants d'électronique de puissance permet de réaliser des convertisseurs statiques utilisant des composants électroniques associés à des composants passifs ne dissipant pas ou peu d'énergie active tels que les condensateurs et les inductances.

L'électronique de puissance est une électronique de commutation : les fonctions de conversion et de réglage sont réalisées par des combinaisons d'états fermés et ouverts d'interrupteurs électroniques.

Au delà de 10 kW, on doit s'intéresser aux problèmes de rendement des convertisseurs pour des raisons évidentes de coût d'exploitation mais aussi pour limiter les pertes sous forme d'énergie thermique. Des pertes importantes créent un échauffement important du convertisseur imposant des systèmes de refroidissement complexes. Par exemple, un convertisseur de 100 kW ayant une rendement de 90 % produit 10 kW de pertes soit l'équivalent de 10 radiateurs électriques courants placés dans un volume de quelques litres! Pour limiter les problèmes d'évacuation de la chaleur, le rendement doit être supérieur à 99 %, limitant les pertes à 1 kW.  

1.3 Classement des convertisseurs

Le réseau d'alimentation peut être alternatif de fréquence et de tension fixes ou continu de tension fixe. La charge peut être alternative fonctionnant à tension et/ou fréquence variables ou continue fonctionnant à tension variable. Un type de convertisseur correspond à un type de réseau et un type de charge; nous pouvons résumer les types différents suivant le schéma suivant:

Nous avons les convertisseurs directs qui partant d'un réseau donné alimentent directement la charge :

Ø     1 : convertisseur continu - continu ou hacheur utilisé principalement pour la commande des moteurs continus et les alimentations continues variables

Ø      2 : convertisseur alternatif - continu ou redresseur avec les mêmes applications que le hacheur ainsi que pour la commande de cuves à électrolyse

Ø      3 : convertisseur continu - alternatif ou onduleur utilisé pour la commande des moteurs alternatifs, le chauffage par induction et les alimentations de secours

Ø      4 : convertisseur alternatif - alternatif; nous trouvons dans ce type le gradateur qui fait varier uniquement la tension pour la commande de moteurs alternatifs, d'éclairages, d'éléments de chauffage et le cycloconvertisseur qui peut faire varier simultanément tension et fréquence pour la commande de moteurs alternatifs.  

Les convertisseurs indirects transforment d'abord la nature de la source puis contrôlent le débit d'énergie en associant deux convertisseurs directs :

Ø      convertisseur indirect alternatif - continu associant un redresseur donnant un réseau continu de tension fixe et un hacheur contrôlant l'énergie fournie à la charge continue

Ø      convertisseur indirect alternatif - alternatif associant un redresseur donnant un réseau continu de tension fixe et un onduleur alimentant la charge alternative sous tension et/ou fréquence variables.  

2 Interrupteurs statiques

2.1 Propriétés des interrupteurs

Les interrupteurs peuvent être classés suivant :

Ø      leur capacité à conduire le courant à l'état fermé: il sera dit bidirectionnel en courant si le courant peut y circuler dans les deux sens et unidirectionnel si le courant ne peut circuler que dans un sens

Ø      leur capacité à tenir la tension à l'état ouvert : il sera dit bidirectionnel en tension s'il peut tenir une tension positive ou négative et unidirectionnel s'il ne peut tenir la tension que pour une polarité donnée  

Ø     leurs possibilités de commande à l'ouverture ( transition fermé ® ouvert) et à la fermeture (transition ouvert ® fermé)

Un interrupteur mécanique est bidirectionnel en tension et en courant; il peut être commandé à l'ouverture et à la fermeture pour tout signe de la tension et du courant; son inconvénient est d'avoir des temps de commutation (changement d'état) trop élevées et en nombre limité en raison de l'usure des pièces mécaniques. L'utilisation d'interrupteurs statiques (composants électroniques) pallie ces défauts mais rend plus difficile la réalisation d'interrupteurs entièrement réversibles.  

2.2 Interrupteurs duaux

La théorie de la dualité est une théorie générale des circuits électriques qui permet, suivant des règles définies, de transformer un réseau en un autre réseau dont les propriétés électriques se déduisent simplement de celles du réseau de départ. De façon assez simplifiée, cela revient pour un composant à inverser les rôles de la tension et du courant; par exemple, un générateur de tension donne par dualité un générateur de courant.Pour un interrupteur, la caractéristique i'(v') de l'interrupteur K' dual de l'interrupteur K se déduit en appliquant à la caractéristique i(v) de K une symétrie par rapport à la première bissectrice des axes; cela implique la permutation des états bloqués de K' avec ceux ouverts de l'interrupteur K.  

2.3 Table des interrupteurs

Interrupteur
Interrupteur dual

Type : In 1

Unidirectionnel en courant et en tension

non commandé

Type : In 2

Unidirectionnel en courant et en tension

non commandé

Type : In 3

Unidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

fermeture commandée

Type : In 4

Bidirectionnel en courant , unidirectionnel en tension

ouverture commandée

Type : In 5

Unidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

ouverture commandée

Type : In 6

Bidirectionnel en courant , unidirectionnel en tension

fermeture commandée

Type : In 7

Unidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

ouverture et fermeture commandées

Type : In 8

Bidirectionnel en courant , unidirectionnel en tension

ouverture et fermeture commandées

Type : In 9

Bidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

fermeture commandée

Type : In 10

Bidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

ouverture commandée

Type : In 11

Bidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

ouverture et fermeture commandées

Type : In 12

Bidirectionnel en courant , bidirectionnel en tension

ouverture et fermeture commandées

2.4 Réalisation des interrupteurs

 Pour chaque type représenté, cherchons quel composant électronique ou quelle association de composants peut réaliser la fonction de l'interrupteur.

Ø      type In1 : le symbole utilisé nous donne la réponse; In1 est réalisé avec une diode à jonction PN; ses commutations sont non commandées, c'est à dire imposées par le réseau extérieur.

Ø      type In2 : pour obtenir le dual de In1 qui est ouvert sous tension positive et fermé avec un courant négatif, il suffit d'inverser la diode utilisée pour In1.

Ø      type In3 : le thyristor est le composant réalisant naturellement cette fonction; on peut aussi utiliser un transistor à jonction ou MOS en série avec une diode; la diode permet de bloquer la tension inverse et d'interdire la conduction avec i < 0; le courant de base ou la tension de gâchette permet la commande de fermeture.

Ø    type In4 : aucune association de composants ne permet de réaliser directement ce type; il est généralement réalisé par un transistor associé à une diode connectée en antiparallèle et à une commande qui permet de donner au montage les propriétés voulues ( fig.1):

 

 

 

 

v     lorsque i < 0 la diode D conduit quel que soit l'état de la commande.
v     lorsque i s'annule, la détection de courant provoque la basculement du trigger vers le niveau logique haut; si la commande est au niveau logique bas, la porte ET à deux états hauts en entrée donc un état haut en sortie et le transistor T se sature.

v     Pour bloquer le transistor, il suffit d'avoir un état haut sur la commande donnant un état bas à l'entrée de la porte donc un état bas en sortie.

v     T étant passant, le trigger revient à un état bas si le courant est supérieure à une valeur maximale; la porte ET revient à l'état bas et commande le blocage de T.

On a bien un interrupteur dual du thyristor :       

Thyristor  
Thyristor dual
bloqué sous tension négative
Þ
passant sous courant négatif
bloqué sous tension positive sans commande de gâchette
Þ
passant sous courant positif  sans commande de blocage
bloqué sous tension négative  
Þ 
passant sous courant négatif
  commandé à la fermeture
Þ
  commandé à l'ouverture
 blocage par annulation du courant
Þ
mise en conduction par annulation de la tension
 amorçage spontané si v > Vmax
Þ
blocage spontané si i > Imax

La dernière propriété est particulièrement intéressante car le thyristor dual intègre sa propre protection en courant.

Ø      In5 : aucun composant ne correspond à ce type; on peut le réaliser avec un transistor en série avec une diode permettant de bloquer la conduction inverse; la commande doit réaliser la fermeture spontanée en créant un courant de base positif dès que l'on détecte v < 0.

Ø      In6 : réalisation en associant un interrupteur In3 avec une diode en antiparallèle

Ø      In7 : réalisation avec un transistor ou un GTO; dans les deux cas, la tenue en tension inverse est assurée par une diode en série; on peut aussi utiliser un thyristor associé à un circuit de blocage forcé.

Ø      In8 : réalisation en associant un interrupteur In7 avec une diode en antiparallèle

Ø      In9 : réalisation par triac ou par deux thyristors tête-bêche

Ø      In10 : réalisation par deux interrupteurs In5 tête-bêche

Ø      In11 et In12 : réalisation par deux interrupteurs In7 tête-bêche  

2.5 Choix des composants

Certains types peuvent être réalisés par plusieurs composants : transistors à jonction, MOS, IGBT, thyristor, GTO. Le choix du composant se fait d'abord en fonction de la valeur de la tension de blocage, de la puissance contrôlée et de la fréquence de commutation. Lorsque plusieurs types sont dans le domaine recherché, on choisit en fonction de la simplicité de commande et du coût.  

Les graphes ci-dessous donnent les domaines d'utilisation des composants suivant la tension de blocage, le courant et la fréquence de commutation

On constate que l'IGBT prend la plus grande place parmi les composants classiques.

Ø      le GTO est utilisé pour les très fortes puissances et les basses fréquences

Ø      le transistor bipolaire n'est plus guère utilisé; son domaine est celui des puissances moyennes et des fréquences de quelques kHz

Ø      le transistor MOS est utilisé pour les puissances faibles en basse tension et fréquences élevées

 

3 Branches des convertisseurs

3.1 Types de branches

Les branches sont classées en deux grandes catégories :

Ø      les branches de type tension : ces branches n'admettent pas de discontinuité de tension entre leurs bornes; nous dirons que la tension est la variable d'état de la branche. Un condensateur réalise par exemple une branche de type tension.

Ø      les branches de type courant : ces branches n'admettent pas de discontinuité de l'intensité du courant de branche; nous dirons que l'intensité est la variable d'état de la branche. Une inductance réalise par exemple une branche de type courant.Les branches sont représentées suivant les symboles ci-dessous :

 

 

 

 

 

3.2 Propriétés des branches

Les branches peuvent être classées suivant les possibilités de réversibilité en tension et en courant; on distingue :

v     branche B1 : non réversibles donc unidirectionnelles en tension et en courant. Du point de vue énergétique, ces branches sont des générateurs ou des récepteurs sans possibilité d'inverser le sens de transfert de l'énergie entre la branche et le réseau extérieur. Avec les conventions de la fig.2, on a un récepteur si ib.vb> 0 et un récepteur si ib.vb< 0  .

v     branche B2 : réversible en tension et irréversible en courant

v     branche B3 : réversible en courant et irréversible en tension

v     branche B4 : réversible en courant et en tension.  

3.3 Exemples

Une pile électrique est une branche de type tension ayant la propriété B1 alors qu'une batterie d'accumulateurs est une branche de type tension ayant la propriété B3. Ces deux branches imposent une tension continue fixe entre leurs bornes.

Une résistance R en parallèle avec un condensateur C est une branche de type tension ( type imposé par le condensateur) ayant la propriété B4.

Une inductance L en série avec une batterie est une branche de type courant ( type imposé par l'inductance).

4 Structure d'un convertisseur

4.1 Définitions

La structure d'un convertisseur est un modèle idéalisé du montage réel :

Ø      les interrupteurs statiques sont parfaits : tension nulle à l'état fermé, courant nul à l'état ouvert, commutations de fermeture et d'ouverture instantanées

Ø      les branches sont idéalisées suivant les modèles définis ci-dessus.  

L'étude structurelle des convertisseurs permet :

Ø      de construire un schéma de principe associant branches et interrupteur pour réaliser la fonction demandée au convertisseur

Ø      de vérifier le bon fonctionnement et d'établir des relations simplifiées entre les diverses grandeurs électriques

Ø      de définir le type de chaque interrupteur : réversibilités, commandes nécessaires, tenue en tension et en courant  

4.2 Règles de construction d'une structure

En raison des variables d'état imposées par les branches de type tension et courant, le bon fonctionnement d'un montage exige de respecter quatre règles :

Ø      Règle 1 : il est interdit de court-circuiter une branche de type tension; en effet on imposerait alors une tension nulle incompatible avec celle de la branche; dans la réalité, les branches ne sont jamais idéales et le court-circuit se traduit par un courant de branche trop élevé.

Par exemple court-circuiter une batterie de f.é.m E = 12 V et de résistance interne 0,1 W crée un courant de 120 A pouvant détériorer la batterie mais plus sûrement l'interrupteur de mise en court-circuit.  

Ø      Règle 2 : il est interdit de mettre une branche de type courant en circuit ouvert; en effet on imposerait un courant nul incompatible avec le courant de branche. Par exemple si ouvre une branche contenant une inductance L = 1 H, parcourue par un courant I = 10 A, on crée une tension v = L di / dt; si la coupure dure par exemple 1 ms, on a v =1 x 10/10-3= 10 kV cette tension est le plus souvent destructive pour l'interrupteur ouvrant le circuit inductif.  

Ø      Règle 3 : il est interdit de connecter en parallèle deux branches de type tension de valeurs différentes; par exemple si on connecte une batterie E = 12 V ; R = 0,1 W avec une batterie E' = 24 V ; R' = 0,2 W, on a un courant I = ( E' - E) / (R + R' ) = 40 A.  

Ø      Règle 4 : il est interdit de connecter en série deux branches de type courant ayant des valeurs différentes

4.3 Construction d'une structure

Étudions le transfert d'énergie entre deux branches. Les règles ci-dessus imposent qu'elles soient de types opposés; les liaisons possibles sont définies ci-dessous :  



Si nous voulons régler le débit d'énergie entre les deux branches, nous devons utiliser alternativement au moins deux combinaisons;

par exemple la structure ci-contre peut être utilisée :

Les règles 1 et 2 imposent que les interrupteurs K et K' soient dans des états complémentaires : l'un est ouvert et l'autre est fermé.

Ø      Si K est fermé, K' doit être ouvert (règle 1); dans ce cas on a connexion directe des branches BV et BI qui peuvent échanger de l'énergie

Ø      Si K est ouvert, K' doit être fermé (règle 2); les deux branches sont alors isolées et le transfert d'énergie est interrompu.

En jouant périodiquement sur la durée de chaque état, on peut contrôler l'énergie échangée entre les branches.