Même s’il n’est pas le premier à introduire la qualification du travail dans l’analyse, Peter Kenen (1965) a le mérite de l’avoir intégrée dans un cadre structuré. L’éducation, la formation et l’apprentissage par la pratique engendrent l’accumulation d’un capital humain qui doit être mesuré puis additionné au capital physique si l’on veut avoir une idée réelle du stock de capital. Selon cette idée, quelqu’un qui passe six mois à se former crée un capital au même titre que quelqu’un qui passe six mois à concevoir une machine. Si l’on ajoute le capital humain au capital physique, les exportations américaines sont plus intensives en capital que les importations, supprimant ainsi le paradoxe de Leontief.
Un autre facteur, d’ailleurs lié à la qualification du travail, intervient aussi pour expliquer le paradoxe : c’est la Recherche et le Développement (R&D). En effet, la R&D joue un rôle notable dans les industries exportatrices américaines. Or, le travail qualifié intervient de façon importante dans la R&D, ce qui renforce la thèse de Kenen d’après laquelle les exportations américaines sont intensives en capital humain (travail qualifié direct plus travail qualifié utilisé dans la R&D).
Enfin, le paradoxe de Leontief est peut-être le résultat d’une confusion entre deux composantes du facteur capital. Dans un modèle à deux facteurs, travail et capital, les ressources naturelles sont intégrées au capital. Mais, alors que les ressources naturelles et le travail sont relativement peu mobiles, le capital peut se déplacer d’un pays à l’autre.
Les ressources naturelles et le travail sont donc les seuls déterminants factoriels qu’il faut prendre en compte. en introduisant des différences de qualification pour le facteur travail, l’analyse de l’intensité factorielle travail/ressources naturelles redevient pertinente pour le commerce des produits manufacturés entre les pays développés et les pays en développement.