Les théories de la croissance endogène sont nées dans les années 1980 et 1990. Il s'agissait de montrer que la croissance de la productivité des facteurs n'est pas exogène parce qu'elle est en grande partie déterminée par des mécanismes économiques.
En réalité l'intuition est ancienne elle est déjà chez Adam Smith lorsqu'il explique que la croissance économique augmente avec la taille des marchés parce que celle-ci permet de réaliser des économies d'échelle. De même Alfred Marshall en 1920 dans les Principes de léconomie cherche à expliquer comment la croissance durable et très rapide du revenu par habitant quil observe à la fin du XIXeme et au début du XXeme siècle est possible alors quil soutenait comme tous les économistes classiques que les rendements des facteurs de production sont décroissants.
Pour résoudre ce paradoxe, il distingue les économies internes « celles qui dépendent des ressources des firmes individuelles...de leur organisation et de lefficacité de leur gestion » qui profite à la grande firme (elle bénéficie de traitements de faveur de la part des fournisseurs, des banques, elle peut développer une politique commerciale efficace, elle peut profiter des bienfaits de la spécialisation du travail...) et les économies externes « qui résultent du progrès général de lenvironnement industriel » ou « qui sont liées à laccroissement des connaissances et du progrès technique » et qui « dépendent principalement du volume global de la production dans lensemble du monde civilisé ».
Or, dans une économie concurrentielle, les économies internes ne peuvent jouer que provisoirement, les rendements ne peuvent pas être durablement croissants sauf à imaginer quil ny a pas de coût de coordination ou de taille limite pour lefficacité de la firme.
En revanche les économies externes permettent des rendements durablement croissants sans que la taille des entreprises soient déterminante. Les petites entreprises profitent comme les grandes des avancées technologiques, du développement des infrastructures, de lélévation du niveau de connaissance. lentreprise bénéficie déconomies dont elle nest pas responsable.
Toute la théorie de la croissance endogène est déjà dans luvre dAlfred Marshall.
Les théoriciens de la croissance endogène vont reprendre cette idée et lélargir. Si lon peut parler de croissance endogène cest parce que la croissance trouve son origine dans la croissance...
L'efficacité de la production dépend des interactions entre les acteurs économiques et celles-ci sont elles-mêmes fonction du niveau de développement. . De même des exemples nombreux montrent que la localisation dans un même lieu d'activités complémentaires élève l'efficacité de toutes les entreprises présentes, parce qu'il y a des effets d'apprentissage, des synergies, un échange de savoir-faire. Pour chaque entreprise prise séparément il s'agit d'effets externes dont elles tirent un bénéfice sans avoir à supporter le coût. L'organisation des marchés influence la croissance ce qui légitime l'intervention de l'État pour orienter cette organisation dans un sens favorable.
Le progrès technique qui est une composante des gains de productivité est le résultat du progrès scientifique dans un contexte socio-historique donné. Mais le passage des inventions à leurs applications industrielles est fortement modifié par l'existence ou l'absence d'incitations économiques : pour les entreprises le droit de propriété intellectuelle (les brevets) permet de protéger provisoirement le profit lié à l'innovation, ce qui justifie les dépenses de recherche-développement, pour les chercheurs les motivations pécuniaires s'ajoutent aux raisons personnelles (notoriété, éthique). Il est alors parfaitement logique que l'État interviennent en soutenant la recherche fondamentale et l'éducation, mais aussi en aidant et en incitant par une fiscalité favorable ou le versement de subventions, les entreprises qui contribuent au progrès des techniques.
Enfin, les entreprises profitent des infrastructures publiques permettant une circulation efficace des informations, des biens et services, des personnes, et des capitaux sans en supporter directement le coût puisque celui-ci est mutualisé par les prélèvements obligatoires. Là encore l'intervention de l'État est indispensable.
Les références habituelles :
Paul Romer![]() |
Si plusieurs firmes augmentent en même temps leurs investissements elles vont connaître une croissance plus forte que celle qui résulterait pour chacune de leur propre investissement : chacune profite du développement des autres (la productivité du capital dune entreprise dépend non seulement de ses investissements mais aussi du stock total de capital dans léconomie). En accumulant du capital chaque firme acquiert des connaissances qui bénéficient aussi aux autres firmes : lapprentissage par la pratique et la diffusion du savoir éliminent la décroissance des rendements parce quils ont un effet externe positif. La diffusion des connaissances (évoquée dès le début des années 60 par Kenneth Arrow), laugmentation de la dimension des marchés (Adam Smith et plus tard Allyn Young) sont à lorigine des ces externalités positives. |
Robert Barro![]() |
LÉtat achète des produits et offre des services publics gratuits (financés par des impôts ou des emprunts) qui améliorent la productivité du capital et du travail dans chaque entreprise. Les dépenses publiques dinfrastructure ont un effet externe positif. La production de chaque entreprise dépend des dépenses publiques, au même titre quelle dépend du capital installé et du travail utilisé. Le capital public est un facteur de production. Cela na de sens que si le financement des investissements publics nentraîne pas un effet contraire sur linvestissement privé (effet déviction). Dans la même perspective, dautres économistes indiquent que louverture aux échanges joue un rôle stimulant sur la productivité des facteurs de production. La référence à la spécialisation fait naturellement penser à Adam Smith. La division du travail améliore lefficacité de la production et comme elle est dautant plus facile à mettre en place que le marché est plus étendu, lextension du marché est une source de croissance endogène. La densité des échanges est bien une des causes de la croissance parce quelle permet une meilleure spécialisation. |
Robert Lucas![]() |
Dans la perspective ouverte par Gary Becker, Robert Lucas considère quil faut traité le travail comme du capital humain accumulable au même titre que le capital fixe. Le capital humain est produit par léducation à un taux endogène puisque le salarié « investit » en fonction de son salaire (actuel/futur). Lélévation de la qualification a un effet externe positif. Par ailleurs le capital humain na pas des rendements décroissants parce que le niveau de connaissance dun individu est dautant plus efficace que celui des autres (avec lesquels il communique) est plus élevé. La productivité individuelle est fonction de lefficacité de léquipe dans laquelle il travaille. La connaissance est partagée et chaque connaissance nouvelle entraîne lapparition de connaissances supplémentaires... Le rythme de croissance dune économie dépend donc forcément de la part des ressources quelle consacre au système de formation et aux dépenses déducation. |
La croissance économique saccompagne de lapparition dinnovations. Il est tentant de penser avec Joseph Schumpeter que la croissance dépend des innovations. | |
Paul Romer![]() |
Pour Paul Romer ces innovations prennent la forme de nouveaux procédés, de nouveaux outils, qui sajoutent à ceux déjà en place. Ces nouveaux biens déquipement permettent daugmenter la division du travail qui est la véritable source de la croissance (externalités). Cest le partage de lutilisation du capital humain entre production de biens et services et production des nouveaux biens déquipement qui explique le rythme de croissance. Tout ce qui permet daugmenter la quantité de biens déquipement nouveaux est favorable à la croissance. Lactivité de recherche est un facteur décisif de croissance économique. |
Philippe Aghion![]() |
Pour Philippe Aghion et Peter Howitt, lapproche est encore plus nettement schumpeterienne puisque cest la concurrence qui provoque linnovation. Cette dernière rend obsolètes les innovations précédentes annulant du même coup les revenus de monopole qui leur étaient associés. Là aussi le rythme de croissance dépend de lactivité du secteur dédié à la recherche, or celle-ci dépend du partage des ressources entre les différentes utilisations possibles. |