Dans une économie il y a un certain nombre d'emplois occupés ou vacants et des personnes actives occupées ou sans emploi (au chômage). Le total des emplois constitue la demande de travail (dans le langage courant on parle d'offres d'emplois pour les emplois vacants) et le total de la population active exprime l'offre de travail (on parle de demande d'emplois pour les actifs au chômage). Définir et mesurer le chômage est difficile. Car si le chômage est l'écart entre offre de travail et demande de travail, compter le nombre d'actifs sans emplois n'est pas simple. Pour en savoir plus sur la définition et la mesure du chômage vous pouvez consulter cette fiche. Il suffit de rappeler qu'un chômeur est un actif (en âge de travailler) sans emploi et à la recherche d'un emploi. | Sommaire :
1) L'offre de travail |
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Les facteurs économiques peuvent modifier les taux dactivité par sexe et par âge.
Lanalyse traditionnelle (néoclassique) de loffre de travail considère que choisir de travailler cest renoncer au temps libre pour améliorer le revenu qui permet de consommer. Il sagit donc dun choix entre la consommation de biens et services et la durée du temps libre. Le choix se fait en tenant compte du revenu qui dépend du salaire horaire et de la durée du travail, et des revenus non salariaux (revenus du patrimoine et revenus de transfert).
Le travailleur prend sa décision en matière doffre de travail en cherchant la solution du problème suivant : sachant que sa satisfaction dépend de sa consommation (fonction du revenu) et de son temps libre, comment fixer le temps de travail qui rend cette satisfaction maximum. On comprend que les variations des composantes du revenu, le salaire dune part, les revenus du patrimoine et les transferts sociaux dautre part, vont modifier larbitrage. Laugmentation du salaire horaire (toutes choses égales par ailleurs) a normalement deux effets :
- un effet revenu qui joue de façon négative sur loffre de travail, car laugmentation du salaire horaire permet dobtenir une satisfaction plus grande pour une même durée du travail, ce qui va permettre de réduire la durée du travail offerte
- un effet de substitution qui joue de façon positive puisque laugmentation du salaire rend le travail plus attractif (il permet daugmenter le revenu sensiblement) et peut faire renoncer à une partie du temps libre (le coût du temps libre est en fait le manque à gagner liée à labsence de travail, il sagit dun coût dopportunité).
Si les autres composantes du revenu augmentent (toutes choses égales par ailleurs), il ny a quun effet revenu donc une réduction de loffre de travail.
Comment apprécier les deux effets dune augmentation de salaire horaire ? Les études empiriques semblent montrer que les effets sont très faibles.
Pour les hommes de plus de 25 ans, il ny a pas deffet sensible.
Pour les femmes et pour les jeunes une augmentation du salaire horaire entraîne une très légère augmentation de loffre de travail.
En fait loffre de travail est assez inélastique aux variations du salaire horaire (cela veut dire que le comportement doffre de travail est très peu sensible aux variations du salaire).
En revanche il semble que les effets des prestations sociales sur loffre de travail sont réels. Les revenus minima en vigueur dans de nombreux pays ont forcément un effet négatif sur loffre de travail des catégories les plus défavorisées ; de même les allocations familiales réduisent loffre de travail des femmes ; les prestations versées aux jeunes continuant leurs études peuvent aussi les inciter à retarder leur entrée sur le marché du travail ; enfin les travailleurs âgés peuvent quitter leur activité avant lâge légale si les revenus de transfert qui leur sont proposés sont suffisants.
La situation conjoncturelle du marché du travail (mesurée par le taux de chômage) a des effets évidents sur les variations de lactivité.
- Un effet dappel parce que les créations demplois lorsquelles sont importantes, encouragent certains inactifs à se porter candidat à un emploi, puisque la probabilité dembauche augmente.
- Un effet de compensation parce que la perte demploi dun des membres du ménage peut inciter un autre membre à se porter candidat à lembauche pour réduire la perte de revenu.
- Un effet de découragement parce quun niveau très élevé de chômage conduit les travailleurs à renoncer à chercher un emploi et à attendre une meilleure conjoncture, ou parce que le travailleur est conscient que ses caractéristiques personnelles le condamne durablement à linactivité. Dans les deux cas il y a retrait pur et simple du marché du travail. La population active observée statistiquement ne correspond donc pas à loffre de travail disponible à un moment donné. Lactivité observée est inférieure à celle qui serait observée en labsence de chômage, on parle de flexion de lactivité pour désigner cette situation ou encore du non emploi plutôt que du chômage : le non emploi regroupe le chômage observé et linactivité subie parce que le marché du travail est caractérisé par un fort niveau de chômage.
Lemploi est lexercice dune profession rémunérée.
La rémunération est donc le critère déterminant permettant de repérer sil y a ou non activité et/ou emploi.
Les entreprises font varier les effectifs en tenant compte du coût relatif du travail (salaire réel corrigé par la productivité) et de la demande qui leur est adressée (inutile d'embaucher s'il n'y a pas de clients à satisfaire.
Les créations et destructions d'emplois à court terme dépendent à la fois de la conjoncture et de la rapidité des ajustements entre les différents déterminants. Ainsi par exemple on observe un décalage entre la variation de la production et ses effets sur l'emploi. Les effectifs s'ajustent avec retard parce que les entreprises modifient les conditions d'utilisation de la main d'uvre (temps de travail et productivité).
Les économistes savent bien aujourdhui quune représentation de ce type est extraordinairement réductrice car :
- le travail nest pas une marchandise comme les autres,
- la place des mécanismes relevant des institutions est considérable, tellement même que pour certains lidée dun marché du travail est une illusion théorique.
La représentation dominante fait du salaire le prix qui équilibre loffre et la demande de travail.
Loffre et la demande de travail sont confrontées sur le marché du travail parce quelles sont liées lune et lautre au niveau du salaire réel : l'offre de travail augmente quand le salaire réel augmente - il devient plus intéressant de travailler - la demande de travail diminue - le travail coûte plus cher.
Sil en est ainsi, un désajustement (un écart) entre loffre et la demande de travail, à un moment donné, ne peut provenir que du mauvais fonctionnement du marché du travail puisque toutes les perturbations affectant momentanément loffre ou/et la demande doivent être corrigées par une variation du salaire.
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Tout ce qui empêche ou retarde la variation du salaire et ses effets sur la variations des quantités offertes ou demandées aura pour conséquence un déséquilibre entre offre et demande de travail. Certains offreurs de travail ne pourront être embauchés au salaire quils sont prêts à accepter, ils seront chômeurs, ou dans le cas inverse, certains employeurs ne pourront embaucher, au salaire quils sont prêts à payer, les salariés quils recherchent, ce qui correspond à une pénurie de main duvre.
Un schéma récapitulatif et une animation proposée par Boris Adam (professeur de SES) : Le marché du travail selon le modèle néoclassique.
Cette analyse dominante peut être aménagée pour prendre en compte la diversité des situations concrètes.
- On abandonnera par exemple lidée dun marché du travail unique pour passer à létude "des" marchés du travail en repérant des formes particulières de liaisons : dualisme du marché du travail, marché interne et marché externe.
- On peut aussi améliorer la présentation en abandonnant lhypothèse dune information parfaite des offreurs et des demandeurs, ce qui conduit aux théories du salaire defficience et des contrats implicites.
Mais dans tous les cas le traitement du chômage reste du domaine de lamélioration de la flexibilité du salaire ou des quantités offertes et demandées de travail. La flexibilité étant entendue ici comme la rapidité dajustement des prix et des quantités en réactions aux déséquilibres constatés.
Pour autant le chômage ne disparait pas complètement dans cette analyse,car même si le marché du travail fonctionne bien, il y a des candidats à un emploi ne souhaitant pas travailler aux niveaux de salaires proposés par les entreprises : ce sont des chômeurs volontaires puisquil suffirait quils acceptent de travailler pour un salaire inférieur (le salaire déquilibre) pour retrouver un emploi.
Ainsi pour chaque économie et pour une période donnée il existe un taux de chômage correspondant aux caractéristiques du marché du travail considéré.
Ce taux de chômage peut être qualifié de deux manières : il peut être dit naturel pour souligner le fait que cest celui qui sétablit lorsquon laisse fonctionner librement le marché, cest-à-dire lorsque lÉtat nintervient pas dans la négociation marchande, il peut aussi être dit structurel parce quil est déterminé par les structures de léconomie.
Traditionnellement, la référence au taux de chômage naturel renvoie aux analyses de léconomiste américain Milton Friedman et au courant libéral, alors que le concept de taux de chômage structurel est utilisé plus largement.
En rejetant cette représentation dominante lanalyse économique ouvre une nouvelle perspective : le fonctionnement de léconomie ne conduit plus forcément au plein emploi parce quil ny a pas de mécanisme assurant systématiquement que le niveau de lactivité économique sera suffisant pour garantir un emploi à tous ceux qui souhaitent travailler.
- La demande de travail est la variable dajustement, loffre étant relativement indépendante du niveau de salaire (ses déterminants sont structurels, démographiques et socio-culturels). C'est l'analyse keynésienne.
- Le salaire nest plus un prix de marché, il traduit un rapport de force dépendant en partie seulement des conditions du marché du travail (qui est en fait un "pseudo-marché") et principalement des conventions du moment. C'est la théorie des conventions.
- Les institutions jouent un rôle plus important que les mécanismes marchands. C'est le courant institutionnaliste.
Dans toutes ces présentations lanalyse est macroéconomique au lieu dêtre microéconomique et il y a toujours un lien avec l'analyse keynésienne..
Dans la "Théorie générale de lemploi, de lintérêt et de la monnaie" publiée en 1936 Keynes sefforce de montrer que le chômage peut-être involontaire et cela au delà de ce qui peut provenir des désajustements temporaires décrits comme chômage frictionnel.
Sa critique se fonde sur deux idées principales :
- on ne peut pas assimiler le marché du travail à celui des autres biens, de telle sorte que le salaire na pas le rôle régulateur traditionnellement attribué aux prix
- la détermination du niveau de lemploi sexplique par un enchaînement partant du marché des biens parce que les entreprises décident du niveau de lemploi dabord et avant tout à partir de la demande de produits quelles peuvent anticiper.
Keynes pose clairement le lieu de sa rupture avec les économistes "classiques".
Sil accepte de faire de la demande de travail une fonction décroissante du salaire réel, il refuse dadmettre que loffre de travail est une fonction croissante du salaire réel.
Comme le montre le schéma il ny a plus de marché du travail et le niveau de lemploi déterminé par les entrepreneurs en fonction de leurs anticipations de demande, commande le niveau du chômage puisque loffre de travail est relativement rigide.