Imaginer que lÉtat peut imposer des choix aux citoyens à partir de laffirmation dun intérêt collectif supérieur suppose quil existe une fonction de bien-être social. Cette fonction peut-elle être construite par une procédure démocratique à partir de lexpression des préférences individuelles ?
Le paradoxe du vote mis en évidence par Condorcet en 1785 montre quil existe des situations dans lesquelles la transitivité des choix individuels ne conduit pas forcément à un choix collectif transitif (la transitivité impose que si A est préféré à B et B préféré à C alors A est préféré à C). Léconomiste américain Kenneth Arrow dans un ouvrage célèbre publié en 1951 (Social choice and individual values), reprend cette approche et établit le "théorème dimpossibilité" suivant lequel il nexiste pas de procédure démocratique validant le passage des choix individuels à une décision collective.
Les deux seuls cas dans lesquels le passage respecte les conditions logiques élémentaires sont lunanimité des votants et la dictature du décideur.
La fonction de préférence collective est donc fatalement en partie discrétionnaire. Elle reflète les poids respectifs que les décideurs accordent aux différentescomposantes de lopinion publique.
La vie politique peut alors être analysée comme un marché. Les citoyens "demandeurs" expriment leurs préférences en tenant compte de la contrainte quils devront subir en contrepartie. Ils font jouer la concurrence entre les offreurs de politiques publiques. Ces derniers poursuivent des objectifs relevant de la probabilité de réélection et des avantages financiers, de pouvoir ou dimage, mais aussi de convictions personnelles et du sens du service de l'Etat (le dosage varie dun responsable à lautre).