« Une façon brève et correcte, semble t-il, de formuler le principe de la demande effective est : les entrepreneurs fixent le montant de l’emploi en fonction de leur convenance ». Jean Cartelier, L’économie de Keynes, De Boeck, 1995
L’idée d’une mise en oeuvre de la production par des entrepreneurs qui « anticipent directement le montant de recettes et de dépenses susceptibles de leur donner les profits qu’ils escomptent » et qui « engagent les montants de dépenses correspondants » n’a rien de révolutionnaire, c’est même le fondement de la théorie traditionnelle de la production : le producteur maximise le profit sous la contrainte de sa technique de production et des prix (des produits et des facteurs) qui traduisent la confrontation des offres et des demandes de ces produits et de ces facteurs. Dire que « en payant les salaires au taux de salaire nominal courant, le groupe des entrepreneurs…lance dans le circuit économique les revenus qui vont acheter la production » n’est pas très original non plus : c’est une évidence - la production se transforme en revenu.

La nouveauté est ailleurs :

« Il n’y a évidemment aucune raison pour que le niveau de l’emploi s’adapte aux ressources en main-d’œuvre. Il faudrait pour cela que l’économie marchande puisse surmonter la préférence pour la liquidité, ce que, livrée à elle-même, elle ne peut faire ».
1) Il n’y a pas de marché du travail assurant l’ajustement entre offre de travail et demande de travail qui seraient l’une et l’autre des fonctions du salaire réel. Keynes refuse de traiter l’offre de travail comme une fonction du salaire réel du moins tant que le niveau de l’emploi n’est pas proche du plein emploi. L’offre de travail est exogène, elle est commandée par les déterminants de l’effectif de la population active.
2) L’épargne ne se transforme pas nécessairement immédiatement en dépenses d’investissement : la monnaie n’est pas un simple instrument d’échange.
Et plus généralement le fonctionnement de l’économie se déroule dans le temps comme une séquence de décisions suivies de réalisations qui conduisent à modifier le climat dans lequel sont prises les décisions…
La logique du marché est remplacée par la logique du circuit.

Un schéma pour résumer l’analyse... (la dynamique d'ensemble dans ce fichier de présentation PowerPoint - 79.5 ko)

Dans ce schéma Y est le revenu, M la quantité de monnaie, N le nombre d'emploi, C la consommation, I l'investissement, S l'épargne, emk l'efficacité marginale du capital (la rentabilité anticipée du dernier investissement qui sera réalisé) et r le taux d'intérêt.

Sur le premier graphique en haut à droite, les entrepreneurs comparent les recettes anticipées et les coûts, pour décider de leur niveau de production donc d'emploi. Ne est le niveau d'emploi décidé. La fonction de production qui lie la production à la quantité de travail utilisée détermine le niveau du revenu (ou de la production puisque c'est la même valeut, toute la production se transforme en revenu). Il n'y a aucune raison pour que Ne corresponde à N+ l'offre de travail qui dépend de la population active (démographie et comportements d'activité). Ici par exemple il y a du chômage puisque N+ est supérieur à Ne.

En reportant le revenu déterminé par la demande effective Ye sur le graphique de gauche et en appliquant la loi de consommation (la consommation est proportionnelle au revenu et la propension à consommer est stable) on détermine la partie du revenu qui sera consommée Ce et du même coup celle qui sera épargnée Se.

Cette épargne réalisée n'a aucune raison d'être égale à l'investissement qui est déterminé par la comparaison (les deux graphiques du bas) du taux d'intérêt (qui dépend de l'offre de monnaie et de la préférence pour la liquidité) et de l'efficacité marginale du capital. Ici I0 est inférieur à Se il y a un excès d'épargne.