La création du marché unique n’a pas entraîné une spécialisation du tissu industriel (comme le met en avant la théorie de l’avantage comparatif) au profit des pays les plus développés. Au contraire, les échanges intra-branches (à l’intérieur d’une même branche d’activité) se sont fortement développés depuis le début des années 80 : la France vend et achète à l’Allemagne des automobiles et des machines, sans avoir liquidé pour autant son secteur automobile pour se concentrer sur l’agriculture par exemple.
Les statistiques commerciales montrent que la part du commerce inter-branche, qui dominait au début des années 90, a ainsi régressé au profit du commerce intra-branche, désormais plus important. Pour les pays les plus riches de l’Union européenne, le commerce intra-branche représente désormais plus de la moitié des échanges.
Mais une nouvelle forme de spécialisation est apparue : les produits échangés se distinguent de plus en plus par la qualité, tandis que le commerce dit de variété (des produits identiques à même prix) demeure stable.
Cette évolution générale est à l’évidence une conséquence du Marché unique, qui a supprimé les barrières douanières, et autorisé des économies d’échelle entraînant un élargissement de la variété des produits offerts.
Il ne faut pas perdre de vue que la création du marché unique intervient dans le processus plus général de mondialisation des échanges et de la production. Celle-ci s'est accompagnée d'une accélération de la croissance des échanges internationaux de biens et services au cours des deux dernières décennies. C'est aussi vrai pour les échanges financiers. Elle s'appuie sur les comportements différents des entreprises en matière d'investissements et d'échange de marchandises dans le cadre de deux motivations principales qui sont : d'accéder à de nouveaux marchés (accroissement des débouchés) d'une part et d'autre part d'organiser mondialement leur activité (amélioration de la compétitivité). Ces deux motivations pouvaient a priori accroître les échanges ou, au contraire, les diminuer selon la recomposition géographique des implantations des entreprises. Mais le bilan est évident : la mondialisation a bien provoqué une augmentation forte de l'échange économique international. Aux flux classiques d'exportations et d'importations s'ajoutent ceux que suppose la nouvelle division internationale de la production au sein des groupes et l'intensification, difficilement mesurable, des échanges de biens intermédiaires. En Europe les deux types de flux se sont développés et les regroupements d'entreprises, les délocalisations, fruits de la division internationale du processus productif ont prix une place considérable encore plus visible depuis la mise en place de la zone euro et la passage d'une Union à 15 à l'UE actuelle (à 27).
Cela introduit un biais dans la connaissance statistique des échanges extérieurs. Pour la France, par exemple, ce sont des entreprises multinationales qui sont à l'origine d'environ 90 % de nos échanges ; 40 % de ces derniers se rattachant à l'activité, en France, de filiales de groupes étrangers. Les échanges intragroupe représentent une part appréciable de notre commerce extérieur (de 25 % à 40 % selon les estimations35(*)) et cette proportion tend à augmenter. Il faudrait donc absolument améliorer la connaissance des échanges intragroupe pour mesurer correctement les échanges extérieurs d'un pays membre de l'Union. La question se pose aussi au plan des relations entre l'ensemble de l'UE ou la zone euro avec les pays extra-européens, mais moins fortement.