La crédibilité du taux de change ne peut être durablement fondée sur la seule discipline monétaire. Il faut par ailleurs que soit engagée tôt ou tard une politique de réduction du différentiel d’inflation avec les pays les moins inflationnistes. L’ancrage du taux de change à la monnaie allemande est tout à la fois un objectif de politique économique et un moyen de lutte contre l’inflation. Il s’agit pour les partenaires européens d’importer la crédibilité anti-inflationniste de la Bundesbank. Un message est adressé aux entreprises selon lequel elles ne peuvent plus compter sur la dépréciation du taux de change nominal pour rester compétitives. Elles doivent donc maîtriser leurs coûts de production, au premier rang desquels la masse salariale. Comme en Europe les salaires ne sont guère flexibles à la baisse, c’est par la baisse du niveau de l’emploi que l’ajustement se réalise. La politique de désinflation conduite au nom de la recherche de la crédibilité du taux de change a donc pour prix une augmentation du chômage. En retour, on s’attend à ce que le chômage finisse par peser sur le niveau des salaires et introduise ainsi davantage de flexibilité salariale. Si la désinflation est réellement compétitive le différentiel d’inflation avec l’Allemagne tend à s’annuler et autorise la baisse des taux d’intérêt nominaux.
La France comme la majorité des États membres du SME s’est engagée dans cette double stratégie de politique monétaire restrictive et de désinflation compétitive. La convergence des taux d’intérêt nominaux à court terme comme des taux d’inflation atteinte à la fin des années 80 semble attester du succès de cette stratégie. Cependant, dans la plupart des économies, les taux d’intérêt réels élevés ont pesé sur l’investissement et la consommation. En l’absence de modification du cours pivot du franc contre le deutschemarks, la devise française a donc été au cours de la période surévaluée face à la devise allemande. Cette surévaluation a dans un premier temps obéré la compétitivité des entreprises françaises et a renforcé par la suite leur incitation à conduire une stratégie de désinflation compétitive par la baisse des coûts salariaux. Enfin les résultats du processus de désinflation compétitive ont été coûteux en termes d’emploi.
Il n’est pas certain, par ailleurs, que la désinflation puisse être imputée à la seule appartenance au SME. Dans les pays non membres de SME, les résultats ne sont pas sensiblement différents de ceux acquis par les États membres. C’est plus probablement l’orientation restrictive, dédiée à la lutte contre l’inflation, des politiques économiques dans l’ensemble des pays de l’OCDE à partir du Sommet de Tokyo en 1979 qui en est la cause principale.