Découverte et protection : l’importance de la R&D chez L’Oréal

A Saint-Ouen, dans son nouveau centre, L’Oréal coupe les cheveux en quatre

LES MATHÉMATIQUES peuvent s’avérer utiles pour se coiffer. Le nouveau centre de recherche capillaire de L’Oréal, inauguré mercredi 28mars à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), en fait la preuve. Il abrite une drôle de machine, baptisée «Move Hair », mise au point par des scientifiques de l’Ecole normale supérieure, ainsi que des chercheurs de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), qui filme la façon dont les cheveux se remettent en place quand on leur imprime un mouvement. On peut ensuite calculer l’amorti de la chevelure puis chiffrer et analyser son oscillation. Et en tirer les conséquences pour la légèreté de la laque, des produits coiffants ou du shampoing. Au rez-de-chaussée du site, 70 «coiffeurs-experts » testent des nouveaux produits sur un panel de 8000 volontaires — essentiellement recrutés dans le voisinage. On y trouve des salles de bains, des baignoires où les «cobayes » sont invités à se laver les cheveux et à dire ce qu’ils pensent des shampoings. A un autre étage, des cheveux shampouinés sont bombardés d’UV, d’autres tests évaluent la résistance d’une coloration à l’eau... Dans ce nouveau centre issu de la fusion de trois unités précédemment basées à Clichy (Hauts-de-Seine), 500 chercheurs s’affairent sur le cheveu. Du plus raide au plus crépu. Du «caucasien» (le cheveu européen) à l’asiatique ou l’africain. L’idée est 4e mieux prévoir les attentes des consommateurs. Trouver « la » formule, inventer par exemple — c’est la fierté du groupe — le produit qui permet de colorer les cheveux sans utiliser d’ammoniaque. 100 millions d’euros investis Si le numéro un mondial des cosmétiques a investi ioo millions d’euros dans ce centre — le montant le plus important en recherche et développement depuis vingt ans—, c’est parce que les produits capillaires restent son cœur de métier. Le fondateur avait créé les premières teintures et, aujourd’hui, les soins du cheveu ainsi que les produits colorants représentent 37% des ventes mondiales du groupe, rappelle Laurent Attal, directeur général recherche et innovation. L’Oréal consacre un budget très important à la recherche et au développement (3,5% de son chiffre d’affaires, soit 721 millions d’euros en 2011) et dépose des brevets par brassées (613 l’an passé, découverts par une équipe mondiale de 3670 collaborateurs). Le centre de Saint-Ouen a pour mission d’être la tête de pont mondiale d’un réseau de cinq autres pôles de recherche basés au Japon, en Chine, aux Etats-Unis, en Inde et au Brésil. Toutes les recherches mises au point dans le monde sont accessibles sur une base de données commune. Chacun a ainsi accès à une mémoire de plus d’un million de formules déjà testées. Et peut adapter les nouveautés aux rituels locaux ou, inversement, faire remonter des innovations. Comme cette ligne de shampoings inventée au Brésil, baptisée «Total repair 5», testée à l’international et devenue rapidement un succès commercial mondial.

Nicole VULSER Le Monde juin 2012