Dans les années de la grande crise qui débute en 1929, les salaires nominaux (les salaires exprimés en monnaie courante) diminuent parce que l'excès d'offre sur le marché du travail est considérable. Cette baisse des coûts de production pour les entreprises renforce le mouvement de baisse des prix qui résulte de l'effondrement de la demande de produits dans de nombreux secteurs.
Ce constat évident doit forcément être pris en compte par Keynes parce que ses adversaires, en particulier son collègue de Cambridge, Arthur Cecil Pigou explique comment cette baisse des prix doit conduire naturellement à retrouver un équilibre de plein emploi.
Il s'agit alors pour Keynes de montrer que s'il y a bien des raisons de penser que le retour vers le plein emploi peut découler de la déflation, il y a aussi des raisons de mettre en doute l'effet pris en compte.Pour cela il utilise un raisonnement différent de celui utilisé par Pigou. Depuis cette discussion on oppose ainsi l'effet Keynes et l'effet Pigou.
Ces deux effets peuvent être exposés dans le cadre du diagramme IS-LM mais bien entendu la présentation initiale n'a pas fait référence à ce modèle.

1) L'effet Keynes

Partant d'une situation d'insuffisance de la demande (équilibre E1 dans le diagramme) ne permettant pas d'atteindre le plein emploi, la baisse des prix se traduit par une revalorisation du stock de monnaie disponible (l'offre de monnaie) donc, toutes choses égales par ailleurs, à un déplacement vers la droite de la courbe LM. Pour une courbe IS inchangée, l'équilibre passe alors de E à E'' et l'on atteint le plein emploi automatiquement, sans que l'Etat n'ait besoin d'intervenir dans l'économie. La revalorisation du stock de monnaie affecte la demande globale via une baisse du taux d’intérêt par un déplacement le long de la courbe IS (celle-ci ne se déplace pas). Donc tôt ou tard la baisse des prix produira le retour du plein emploi.
Mais, d'une part il peut s'écouler beaucoup de temps avant que cela ne se produise et d'autre part Keynes doute de la réalisation de l'enchainement pour deux raisons : l'existence d'une trappe à liquidité et l'inélasticité de l'investissement au taux d'intérêt.

a) La trappe à liquidité

Le taux d'intérêt peut-être trop bas pour que qu'une diminution supplémentaire entraîne une augmentation de l'investissement. Quand le taux d'intérêt est en dessous d'un certain seuil, les agents ne désirent pas faire des palcements, toute la monnaie supplémentaire qu'ils reçoivent est conservée, ils pensent que le taux d’intérêt ne peut qu’augmenter et en attendant ils gardent leurs encaisses monétaires sous forme spéculative.
Ceci signifie que la courbe LM est horizontale. Cette situation de bas taux d’intérêt est d’autant plus plausible que l’économie connaît un marasme et donc que le revenu est faible. Il est donc probable qu’à partir d’un certain niveau de revenu, le taux d’intérêt se remette à croitre avec le revenu. On a alors à nouveau une courbe LM qui croît normalement.Si l'équilibre initial se situe sur cette portion de la courbe LM -donc si le taux d'intérêt est faible - le déplacement de la courbe LM n'a pas d'effet sur l'équilibre.

b) L’inélasticité de l'investissement au taux d'intérêt.

Selon Keynes on peut penser qu'il y a une relation négative entre l'investissement privé et le taux d'intérêt nominal, mais cette relation est peu élastique, voire peut-être inexistante dans certains cas. Ainsi une baisse du taux d'intérêt provoquée par la baisse des prix déplacera certainement la courbe LM mais cela sera sans effet sur le niveau de revenu puisque la courbe IS est proche de la verticale voire verticale en cas d'élasticité nulle.

Trappe à liquidité

Inélasticité de l'investissement au taux d'intérêt

2) L'effet Pigou

L'effet Pigou ou "effet d'encaisses réelles", repose sur l'observation que la baisse des prix (liée à la faiblesse de la demande) a un effet sur le pouvoir d'achat des encaisses monétaires - les encaisses réelles - qu'elle revalorise. Cette augmentation du pouvoir d'achat permet d'augmenter la consommation, ce qui a pour effet d'engendrer un déplacement autonome de la courbe IS vers la droite, ce qui peut permettre un retour au plein emploi, même quand la courbe IS croise au départ LM dans sa partie horizontale (trappe à liquidité) et que la courbe IS est verticale (inélasticité de l’investissement au taux d’intérêt).

Il faut cependant noter que si l'effet d'encaisse réelles est aussi appelé effet de richesse c'est parce qu'il repose sur l'idée que le partage entre consommation et épargne se fait en tenant compte de la richesse réelle (mesurée en pouvoir d'achat). Ainsi quand cette richesse réelle est augmentée par la baisse des prix des boiens et services il y a probablement une augmentation de la consommation. Mais si la baisse des prix concerne aussi les actifs détenus, les éléments du patrimoine, alors le comportement peut s'inverser. La baisse du prix des immeubles et des titres financiers détenus poussent les propriétaires à épargner davantage pour reconstituer le niveau de richesse (réelle) qu'ils souhaitent détenir.